L’enjeu des votations du 28 septembre prochain est l’approfondissement radical des politiques néo-conservatrices. En plus de la suppression de la valeur locative au niveau suisse, viendront en délibération à Genève les «lois corsets» [concernant les services publics et les prestations à la population] et l’immunité pénale de la police. Tout un symbole.
La suppression de la valeur locative est une priorité pour la droite, de même que le démantèlement de la protection des locataires. Le texte issu des travaux parlementaires vise une importante baisse d’impôts estimée à 1,8 milliard de francs au bénéfice des petits propriétaires dont la situation financière est la plus confortable. Ce sont celles et ceux qui ont pu acheter leur logement sans s’endetter, ou dont les revenus sont assez élevés pour permettre le remboursement de la dette en moins de dix ans. Cette loi nuirait en revanche aux locataires, aux autres propriétaires ainsi qu’à celles et ceux qui ont besoin de s’endetter pour financer des travaux de rénovation.
Quant aux «lois corsets» genevoises (12574, 12575), elles représentent pour leur part une violente attaque sur la répartition des richesses dans le canton. Ces lois visent une mise en place d’un frein à l’endettement sans équivalent. Aujourd’hui, lorsqu’un budget est excédentaire, une partie sert au remboursement de la dette, l’autre à alimenter une réserve conjoncturelle pour les années déficitaires; la réserve du canton atteint ainsi près d’un milliard de francs. Les deux lois en votation rompent avec cette logique anticyclique, à la faveur d’une austérité procyclique en cas de crise économique. Autrement dit, si le budget s’avérait déficitaire à l’avenir, il ne serait plus possible de répondre aux besoins accrus de la population dans des domaines essentiels sans couper ailleurs. Grosso modo, pour faire face à l’augmentation des maladies du grand âge, il faudrait licencier des enseignant·es, des éducateur·trices ou des taxateur·trices, etc.
Genève est le canton le plus inégalitaire de Suisse romande. 56% de la richesse est détenue par moins de 1% de la population. Le canton compte 16 milliardaires et 345 personnes avec une fortune de plus de 100 millions de francs, tandis que 15’000 personnes ont besoin d’aide alimentaire chaque semaine. Les auteurs PLR de ces deux lois estiment pourtant que l’on fait assez pour la population, les classes populaires et moyennes, et qu’il est temps de la soumettre à une cure d’austérité. La campagne d’affichage de la coalition de droite montre des personnages se goinfrant de pâtisseries, de pizzas ou de spaghettis. Il ne s’agit pas de bailleurs ou d’assureurs; les visuels renvoient plutôt du côté des travailleur·euses du secteur public, des étudiant·es ou encore des personnes dans la précarité aidées par l’Hospice général.
Pire encore, la droite a affublé ses deux lois de titres trompeurs – «Pour préserver les prestations publiques» – alors qu’il s’agit au contraire de les restreindre. Saisie d’un recours du soussigné, la Cour de justice a validé le procédé scandaleux opéré par la droite, qui avait consisté à changer les titres en dernière minute, lors du 3e débat au Grand Conseil, dès lors qu’il était certain que les lois seraient soumises en votation populaire.
Par ailleurs, les électeur·trices genevois·es auront à se prononcer sur une initiative en faveur d’un régime d’exception pour la poursuite des infractions lorsque le ou la prévenu·e est une policier·ère. L’initiative instaurerait une immunité complète, qui pourrait être levée par une commission parlementaire délibérant à huis clos. Au moment où apparaît la radicalisation à l’extrême droite de membres de la police, malheur à celles et ceux qui dénonceraient par des actions publiques trop exubérantes les injustices de la société.
Somme toute, c’est une petite contre-révolution de la propriété qui se joue le 28 septembre. La campagne en faveur des quatre lois exposées ici est menée par une droite aux accents poujadistes. Elle cherche à exciter la crainte du déclassement social chez certains petits propriétaires qui perçoivent ce statut comme un rempart fragile pour se hisser à un trois-quarts de marche au-dessus de leurs voisins locataires. Or, cette distance sera vite supprimée sous la pression continue sur les salaires directs et indirects poursuivie en particulier par la politique de privatisation des services publics exercée par des groupes en mains de clans, tels Rupert et Apponte, et par la politique de soutien à l’accaparement de la rente foncière promue par des sociétés financières telles qu’UBS.
A l’heure où ces lignes sont écrites, moins de 10% des électeur·trices ont voté. Il est urgent de se mobiliser pour le «non» et éviter le tournant brutal que représenterait l’acceptation de ces quatre lois.