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Les luttes populaires écrivent une nouvelle page d’histoire

La troisième édition du Forum global Nyéléni s’est tenue début septembre au Sri Lanka. Après deux précédentes sessions consacrées à la souveraineté alimentaire puis à l’agroécologie, ce large rassemblement de mouvements sociaux s’est ouvert plus largement à une approche intersectorielle, appelant à «une transformation systémique». Compte rendu du CETIM.
Solidarité

Du 6 au 13 septembre le Sri Lanka a accueilli le 3e Forum global Nyéléni1>Après les deux précédents forums de 2007 et 2015 au Mali, l’un des plus vastes rassemblements de mouvements sociaux et d’organisations de base au monde. Environ un millier de délégué·es venu·es de plus de 100 pays, représentant des centaines de millions de personnes, se sont réuni·es à Kandy pour affirmer une conviction partagée: la transformation systémique de nos sociétés n’est ni une utopie ni une option, mais une urgence incontournable.

Des représentant·es d’organisations paysannes, de pêche artisanale, de peuples autochtones, communautés nomades et pastorales, travailleur·euses sans-terre, migrant·es, mouvements féministes et antiracistes, syndicats, organisations pour la justice climatique, collectifs de jeunesse, défenseurs de la santé publique, acteurs de l’économie sociale et solidaire étaient présent·es au Forum, appuyé·es par des organisations de la société civile et des universitaires engagé·es. Cette multiformité inédite a donné corps à ce que les participant·es ont appelé un «mouvement des mouvements». A une époque marquée par la montée des (néo)fascismes, des guerres, de crises multidimensionnelles systémiques, le Forum a démontré la capacité de forces de base à s’unir autour d’objectifs communs.

Une analyse partagée des crises globales. La Déclaration de Kandy, adoptée au terme des discussions, dresse un constat sévère de l’état du monde. Les participant·es dénoncent la marchandisation croissante des biens communs, l’accaparement des terres et des mers, l’exploitation des classes travailleuses, la montée du patriarcat et des discriminations, ainsi que la numérisation et la financiarisation qui créent de nouvelles formes d’oppression. Le génocide, les ingérences et les guerres en cours sont pointés comme des exemples tragiques de la collusion entre impérialisme, sociétés transnationales et pouvoirs étatiques corrompus.

Face à cette situation, le Forum a rappelé que la souveraineté alimentaire et énergétique, la paix et la solidarité entre les peuples, l’égalité de genre et la justice sociale ne sont pas des options, mais des conditions indispensables à la survie de l’humanité.

Des engagements communs. Au-delà du diagnostic, le 3e Forum global Nyéléni a permis d’adopter un ensemble d’actions et de campagnes coordonnées. Il a été décidé de lancer dès 2026 une journée mondiale de mobilisation contre l’impérialisme, les guerres et l’utilisation de la faim comme arme; ainsi qu’une journée annuelle Nyéléni pour maintenir la dynamique de convergence amorcée cette année.

De plus, le Forum a entériné la nécessité de créer des programmes de formation politique autour de la souveraineté alimentaire, de l’antiracisme ou encore du féminisme de base. Le développement d’une compréhension commune de ces enjeux a été considéré comme une étape indispensable pour consolider un imaginaire idéologique collectif et tracer des lignes d’action politique cohérentes.

Le Forum a identifié également le renforcement des liens avec les syndicats comme axe stratégique déterminant, instaurant le dialogue entre les deux principaux sujets politiques transformateurs, à savoir les classes travailleuses rurale et urbaine dans toutes leurs composantes.

Côté campagnes, les délégué·es ont lancé plusieurs fronts communs: contre la privatisation de la santé, contre l’accaparement des terres et l’aquaculture industrielle, contre l’impunité des multinationales et pour leur encadrement juridique; mais aussi pour un nouveau cadre commercial international fondé sur la souveraineté alimentaire et pour l’annulation des dettes illégitimes qui étranglent les pays du Sud.

Un moment fondateur pour un avenir partagé. Plus qu’un simple forum de discussion, la rencontre a constitué un véritable espace de mutualisation et de convergence, visant à bâtir une stratégie de transformation nourrie des alternatives et solutions portées par chaque secteur. La dimension de classe, féministe, anti-impérialiste et antiraciste du mouvement a été confirmée comme une boussole inéluctable pour la suite.

En refermant ce 3e Forum, les mouvements réunis à Kandy ont affirmé haut et fort: «La transformation systémique, c’est maintenant et pour toujours.» Le défi est bien entendu immense, mais la force collective, la solidarité internationaliste et la richesse des expériences partagées ont fait de ce rendez-vous une étape historique. L’avenir dira jusqu’où ce «mouvement des mouvements» pourra imposer un nouvel horizon.

Notes[+]

Raffaele Morgantini est représentant du Centre Europe – Tiers Monde (CETIM) auprès de l’ONU.