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La pensée, comme un virus…

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Un virus est un être qui, introduit dans une cellule vivante, prend le contrôle de tout ou partie des commandes de cette cellule, pour produire de très nombreuses copies du virus. Isolé, un virus n’est qu’un assemblage chimique assez simple, contenant un code qui le transforme en être vivant à l’intérieur d’une cellule parasitée. Où il entre souvent de lui-même grâce à un système de reconnaissance moléculaire et de pénétration mécanique. Un virus est donc vivant quand il se reproduit dans une cellule, et non vivant en dehors. Sans que «non vivant» signifie mort, puisqu’il est alors susceptible de ressusciter s’il rencontre une autre cellule à parasiter. Descartes aurait traduit ça par: «Je parasite, donc je vis!»

La pensée, c’est pareil: la plus sophistiquée, exprimée dans un parchemin, une vidéo ou un code numérique, n’est pas vivante puisqu’elle ne peut se reproduire seule et encore moins se transformer, sauf en se dégradant. Pour se reproduire ou évoluer, la pensée a besoin d’un cerveau humain. Ou bien, désormais, d’un de ses produits, comme un traducteur numérique ou une intelligence artificielle. Dans tous les cas, ça passe ou c’est passé par un cerveau humain, qui a planifié reproduction ou transformation. On peut donc dire, en résumé, que ce cerveau humain est à la pensée ce qu’une cellule vivante est à un virus: un hôte qui lui donne la vie.

Il y a quand même une différence essentielle entre les deux. Le code chimique du virus est assez simple et s’adapte à n’importe quelle cellule du type qu’il parasite. On sait même, aujourd’hui, le produire, dans certains cas, avec des synthétiseurs chimiques. Tandis que la pensée ne peut être produite et transformée que par une machinerie cérébrale humaine très complexe et le contexte culturel et environnemental, horriblement compliqué, de son émission, les deux étant uniques. Alors que la reproduction du virus est facile et produit une foule de ses identiques et quelques mutants, la reproduction de la pensée, par un contexte cérébral différent, et en des temps différents, ne peut que la transformer. Et ce d’autant plus que le cerveau reproducteur et son contexte culturel seront différents de l’original. Il est d’usage de dire en italien que «les traducteurs sont des traîtres», souvent bien malgré eux, mais ça s’applique aussi à la simple citation ou répétition, qui veut que, selon le «théorème des concierges», au bout d’un nombre variable de répétitions d’une rumeur, il ne reste plus rien de l’information initiale… La répétition d’une pensée la transforme plus ou moins, selon les contextes culturels, et c’est l’origine de bien des «fake news».

Les virus sont quand même mortels, si leur code chimique est détruit matériellement, mais, compte tenu de leurs millions ou milliards de copies, leur code est relativement immortel tant que des cellules à parasiter sont disponibles. Les pensées sont, à l’opposé, plutôt mortelles, dans la mesure où leur version originale est liée à la personnalité unique de leur premier émetteur et où la répétition de leur transmission ne peut se faire qu’avec autant de traductions et d’adaptations improbables que d’étapes de transmission. Cela dit, comme l’évolution des organismes ne produit jamais rigoureusement deux fois le même individu, toute pensée se transforme sans cesse et ses différents avatars peuvent devenir, souvent, contradictoires et incompatibles entre eux. Comme, par exemple, les interprétations des textes sacrés qui produisent plus de «fakes» historiques divergents que de consensus raisonnables et compatibles avec la réalité matérielle ambiante. C’est là que la méthode scientifique, dont le but ultime est de mettre les gens d’accord sur l’état du monde, pourrait intervenir, si on la laissait faire… Ce qui n’est pas le cas sous les régimes totalitaires et même sous beaucoup d’autres quand le «respect des croyances» donne la priorité à des irrationnels aberrants sur la description prudente et méticuleuse du monde environnant.

Chroniqueur énervant.

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