L’inaction face à un génocide contribue à le rendre possible. Alors que les bombes pleuvent depuis des mois sur Gaza, que les civils meurent de faim, de soif ou sous les décombres, la neutralité ne peut servir d’alibi à l’inaction de la Suisse.
La Suisse n’a ni reconnu publiquement le risque de génocide, ni suspendu ses accords avec les parties impliquées. Elle n’a pas soutenu activement les enquêtes internationales. Elle n’a pris aucune mesure concrète pour exercer une pression politique ou économique. Or en droit, comme en conscience, ne rien faire face à un génocide, c’est contribuer à le rendre possible.
Vous avez dit génocide? Les actes documentés à Gaza incluent des meurtres massifs de civils, une famine orchestrée utilisée comme arme, la destruction de l’habitat et des services vitaux et des déclarations publiques appelant à l’anéantissement du peuple palestinien. Des organisations telles que Médecins sans frontières, Amnesty International, Human Rights Watch, ainsi que des experts de l’ONU ont alerté: ce qui se joue à Gaza relève potentiellement d’un génocide. La Cour internationale de justice elle-même a confirmé, le 26 janvier 2024, le risque plausible d’un génocide en cours. De nombreux experts indépendants et spécialistes du droit international ont soutenu l’analyse d’un génocide en cours. Enfin, des intentions génocidaires sont exprimées ouvertement par des dirigeants israéliens.
Pendant que certains tergiversent sur l’existence ou non d’un génocide ou d’une famine à Gaza, aujourd’hui des enfants meurent de faim, non loin d’entrepôts pleins. Rendre hommage aux enfants morts à Gaza, ce serait un enterrement par jour pendant 52 ans.
Face à cela, la Suisse a des obligations. Elle est partie à la Convention sur le génocide de 1948, qui lui impose de prévenir et punir ce crime. Elle est gardienne des Conventions de Genève, qui fondent le droit international humanitaire. Sa propre Constitution engage la Confédération à promouvoir les droits humains et la paix. Ces textes ne sont pas symboliques. Ce sont des engagements fermes, juridiquement contraignants.
L’obligation de prévention du génocide commence bien avant les bombes. Depuis octobre 2023, la bande de Gaza subit une offensive militaire d’une brutalité sans précédent. Le sort des otages détenus par le Hamas est lui aussi insupportable: ils doivent être libérés immédiatement et sans conditions. Mais la responsabilité du Hamas ne peut en aucun cas justifier des crimes de masse contre une population entière. Nous sommes depuis des mois les témoins d’exactions quotidiennes. Nous assistons en direct à ce génocide en cours. Nous savons. Ne pas réagir, c’est trahir nos principes fondamentaux, c’est trahir notre humanité.
Ceci est un appel aux autorités suisses: Reconnaissez publiquement le risque de génocide à Gaza. Suspendez toute coopération économique, militaire ou diplomatique avec les Etats impliqués dans ces crimes. Agissez au sein de l’ONU pour soutenir les mécanismes de justice internationale. Et surtout, ne permettez plus que la neutralité soit le reflet d’une indifférence. En tant que citoyennes et citoyens, nous avons le droit d’exiger que notre pays respecte le droit. Le vrai. Celui qui protège les vies humaines, pas les équilibres géopolitiques.
La Suisse a su se montrer courageuse dans l’histoire. Il est temps qu’elle le soit à nouveau.
Anne Sophie Gindroz est auteure, ancienne humanitaire neuchâteloise.