L’affaire a fait les grands titres de la presse internationale début août 2025. Après la publication de statistiques mensuelles de l’emploi préoccupantes aux Etats-Unis, Donald Trump a congédié Erika McEntarfer, la directrice du service statistique fédéral, accusée d’avoir truqué les chiffres! C’est ce qu’on appelle tirer sur l’ambulance…
Il s’agit une fois de plus d’un acte impulsif et violent auquel Trump nous a habitués. Aussi extrême et risible soit-il, cet acte est malheureusement typique du rapport entretenu par nombre d’acteurs économiques et politiques à l’égard de la science depuis quelques années. On ne compte plus les discrédits de la recherche scientifique, qu’il s’agisse de contestations de résultats, de manœuvres d’intimidation, de diffusion de fausses informations ou encore de tentatives de dissimulation des résultats.
En Suisse, la campagne de votation de novembre 2024 sur l’extension du réseau autoroutier a fourni un bon exemple de la panoplie susceptible d’être déployée à l’encontre du monde scientifique. Dans le cadre de cette campagne, les promoteurs de l’extension du réseau n’ont ainsi pas hésité à contester l’induction de trafic produite par l’accroissement de la capacité routière. Cette induction est pourtant un constat faisant l’objet d’un très large consensus scientifique. Certains de ces acteurs ont aussi discrédité des chercheurs à partir d’insinuations relatives à leur appartenance disciplinaire, diffusé de fausses informations et tenté de dissimuler certaines informations comme les coûts indirects de la route.
Toutes ces actions ne sont pas spécifiques à la défense de l’automobile. On va les retrouver dans les controverses sur le réchauffement climatique, les effets des pesticides, l’impact du tabac sur la santé… On pourrait multiplier les exemples. En fait, on les retrouve chaque fois que des intérêts économiques importants sont en jeu et que des lobbies se saisissent de la défense de ces intérêts.
Ce qui est important, et c’est le point sur lequel je voudrais insister ici, c’est de ne pas se laisser intimider ou distraire par ces tentatives de déstabilisation. Il s’agit de ne pas ciller et, surtout, de bien se souvenir que si la position des scientifiques est souvent combattue, c’est bien parce que le savoir scientifique est un pouvoir en tant que tel. Ce pouvoir qui dérange, c’est celui de l’administration de la preuve indépendante des rapports de force en présence. Un pouvoir associé à une responsabilité d’intégrité.
Il est essentiel que la recherche puisse préserver son indépendance et développer un savoir scientifique digne de confiance, qui applique scrupuleusement les règles de la méthode scientifique et qui tienne à distance les intérêts économiques et politiques. L’utilité de la recherche est à ce prix. Il est important de s’en souvenir dans ces temps chahutés. Le meilleur rempart face aux attaques de la science, c’est la garantie d’une recherche pleinement indépendante.