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Le Courrier L'essentiel, autrement

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Une théologie plus inclusive

Michèle Bolli transmet une réflexion suite à la publication d’un article le 18 juillet.
Religions

Après avoir lu l’article intitulé «Une conversion nécessaire», je salue l’initiative du monde catholique d’instaurer une prière (messe) spécialement dédiée à la sauvegarde de la nature, ce qui ne peut que renforcer la nécessaire préoccupation écologique qui s’impose à tous depuis quelques décennies.

La tradition chrétienne (qui s’appuie sur les textes bibliques) s’est souvenue récemment que le rapport de domination de la nature n’est pas à comprendre dans un sens (justement critiqué ici) qui viserait à l’écraser, à la violenter mais qu’il existe aussi un second sens du verbe qui signifie dominer. Il se réfère alors à une transformation progressive et positive, à un ensemble de soins qui fera grandir animaux et plantes. Ces dernières produiront, par exemple, des fruits qui nourriront l’être humain. L’exemple cité est celui de la vigne qui forme des fruits (raisins) dont le jus transformé peut devenir vin.

Et puis, il est intéressant de remarquer que l’idée d’harmonie avec toutes les créatures est déjà indirectement exprimée dans certaines formulations des prophètes de l’Ancien Testament qui associent des élé-ments de la nature: îles, vagues, vents, arbres, arc-en-ciel à l’expression de leur message. Mais il est vrai que ce trait a été longtemps sous-estimé, voire passé sous silence. Il n’est pas rare non plus qu’en de tels textes, certains animaux (chien, baleine, âne, etc.) transmettent le message de Dieu lorsque les humains ne veulent rien entendre de lui. Cet exemple de participation d’éléments du cosmos à la communication avec Dieu apporte un appui certain à la visée de l’éco-théologie, à la création d’un langage pour l’exprimer et rendre compte de sa pratique.

Qu’au cœur du christianisme, depuis quelques décennies, une théologie plus inclusive, moins hiérarchique, moins culpabilisante, attentive à la créativité humaine se développe, est une grande chose! Et j’y ai moi aussi un peu contribué par mes recherches touchant à la représentation de Dieu «en tant que Sagesse» au féminin dans l’Ancien Testament.

Ce qui rejoint aussi le langage et la pensée du genre. Or, aujourd’hui, le sens de ce terme paraît de plus en plus obscurci par les diverses interprétations qui en sont faites. Elles se sont ajoutées à son sens premier, soit celui qui se réfère à la sphère de la sexuation sociale par différenciation d’avec celle qui concerne la vie sexuelle privée, intime. Deux dimensions de l’existence qui sont parfois en désaccord provoquant trouble ou créativité, mais en tous cas, réflexion et ajustement. Dans le langage populaire, le terme «genre» s’applique de plus en plus souvent à tout et n’importe quoi et surtout à tout ce qui est détesté: «C’est genré…» signifie souvent de moindre qualité ou mal orienté… Cela se passe au détriment du sens positif de ce terme (soit de la chance qu’il offre d’intégrer davantage de personnes à la vie sociale de tous). L’article que vous publiez comporte justement l’un ou l’autre de ces usages qui sont, à mon sens, discutables. Par exemple, on ne peut lier l’expression «non genré» à un symbole qui est en soi une des seules spécificités féminines: la matrice. Et qui est justement un des vocables disponibles pour désigner Dieu par du féminin. Quant à la suite du texte: «la vie, le mouvement, l’être», sont-ils vraiment «non genrés»? Ou leur statut conditionne-t-il genre et non genre? N’oublions pas que tout vocable a un genre…

Mais reprenant distance avec ces points particuliers, je suis certaine que les nouvelles éco- théologiennes qui ont rejoint les théologiennes féministes citées dans ce texte (Sölle, Ruether, etc.), sauront donner son juste poids à cette perspective intégrant toutes les vivants.

Au vu de ce qui précède, ne faudrait-il donc pas reconsidérer le rapport établi avec La tradition chrétienne – cette concrétion imaginaire, fantasmée à partir de plusieurs traditions et qui sert de coupable lorsque quelque chose dérange, perturbe, questionne?

Michèle Bolli, théologienne (Dr), Lausanne