Tout à droite, la décision ravit. Le conseiller national UDC Thomas Stettler, qui admettait en 2023 que son parti était «peut-être xénophobe», salue «une mesure de bon sens». Il est rejoint par la fachosphère gravitant autour des médias français CNews ou Europe 1. Motif de leur satisfaction? Le 2 juillet, la municipalité de Porrentruy a décidé de limiter l’accès à sa piscine «aux personnes de nationalité suisse, aux titulaires d’un permis d’établissement et aux titulaires d’un permis de travail suisse valide».
Défendue bec et ongles par l’exécutif de la ville jurassienne, la mesure est très problématique. D’abord parce que, comme le souligne Stéphane Grodecki, enseignant en droit public à l’Université de Genève1>RTS, 6 juillet 2025., elle contrevient au principe de non-discrimination prévu par la Constitution suisse – qui stipule, à son article 8, que «nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale (…)». Ensuite, parce que l’interdiction de baignade pourra être appliquée à des pans significatifs de la population: Français·es résidant à quelques kilomètres, conjoint·es et enfants de frontalier·ères mais aussi sans-papiers et requérant·es d’asile débouté·es résidant en Suisse – autrement dit, certaines des couches les plus précarisées de la société, pour lesquelles les bains peuvent représenter les seules «vacances» abordables durant la pause estivale.
Enfin, en essentialisant des problématiques éminemment sociales – en l’occurrence, celles des incivilités, des infrastructures publiques inadaptées et du manque de personnel formé pour répondre aux tensions –, l’exécutif de Porrentruy alimente le narratif raciste de l’extrême droite. «La vérité est que, derrière un passeport français, se trouvent parfois des profils nord-africains, moyen-orientaux ou subsahariens, dont une partie n’a jamais fait l’effort de s’intégrer même en France», écrit ainsi Thomas Stettler, enhardi par l’épisode2>Sur le site de l’UDC, le 7 juillet 2025. Et d’embrayer dans la foulée: «Il est temps de rétablir des contrôles systématiques aux frontières, de renforcer la coopération policière et de nommer clairement les origines des fauteurs de troubles.» Tandis que, sur Instagram ou X, les marchands de haine vomissent «les «Français de papier», les «Mouloud et autres Mohammed» privés de piscine.
Alors que l’UDC s’apprête à déchaîner sa rhétorique xénophobe contre une «Suisse à 10 millions d’habitant·es», c’est dans des eaux très troubles que la municipalité jurassienne a décidé de s’aventurer. Une marche arrière s’impose.
Notes