Tiens, le F-35 coûtera plus cher que prévu. Pour l’heure, le dépassement devrait être de l’ordre du milliard de francs, sur une facture annoncée au départ à 6 milliards pour 36 engins. Mais la douloureuse pourrait prendre l’ascenseur. La Suisse n’est pas la seule à se faire rouler dans la farine: au Canada, le coût prévu pour l’achat de 88 avions est passé de 11 milliards de francs à 19,7 milliards1> Voir la WOZ numéro 27 du 3 juillet..
L’explication la plus simple de ce fiasco étant celle d’une incompétence crasse, bien dans la tradition helvétique dès que du gris-de-vert est dans l’équation. Parler d’un «malentendu» à un milliard ne peut être résumé à un manque de maîtrise de la langue de Shakespeare de nos édiles, à des petites clauses mal lues dans le contrat ou à des manœuvres de Yankees par nature fourbes.
Là où la question se corse, c’est que le coûteux achat a été accepté en 2020 en votation par une courte majorité de 50,1% des voix. Lors de la campagne, la question du caractère dispendieux et risqué de cet achat avait été posée. Et rapidement mise de côté par la conseillère fédérale Viola Amherd qui avait accusé les opposants d’affabuler. La garantie d’un coût fixe a pesé lors du vote et a sans doute permis au Conseil fédéral d’emporter le morceau.
Le problème est donc aussi démocratique. Est-il acceptable de balader de la sorte le peuple et de refuser, une fois que la supercherie éclate au grand jour, de faire machine arrière? En tous les cas, mardi, la commission de la politique de sécurité du Conseil national a refusé toute remise en cause du programme.
Bref, on est en présence d’un beau pataquès. Les plus rouées de nos badernes galonnées évoquent déjà un achat d’un nombre plus réduit d’avions, le consensus mou cher à la Suisse fonctionne déjà à plein régime.
Mais cela dispense opportunément de poser la question qui fâche. L’achat de l’avion étasunien est une manière pour les clients de se mettre sous le parapluie de défense de l’oncle Sam. Or, la politique étrangère voulue par Trump est à la fois imprévisible, brutale et impérialiste. Mercredi, Washington a annoncé le gel de certaines livraisons d’armes à l’Ukraine. Les Etats-Unis feront-ils de même si la Suisse, en voulant défendre sa neutralité, se retrouvait en conflit avec la Russie? Tous ces armements – avions y compris – rendent leurs acquéreurs entièrement dépendants du bon vouloir du pays vendeur qui peut tirer la prise quand bon lui chante. On a vu mieux en termes d’indépendance et de neutralité armée.
Notes