Avec, semble-t-il, l’encouragement présidentiel, plusieurs Etats républicains étasuniens ont décidé, malgré des juges et la théorique séparation de l’Etat et des cultes, d’afficher les dix commandements chrétiens dans les classes de leurs territoires. C’est vraiment se tirer une balle, ou plutôt une rafale de fusil automatique dans le pied! En effet, en dehors de quelques inepties religieuses, il y a quand même des préceptes sociaux souhaitables dans ce guide comportemental de la nuit des temps… Et le moins que l’on puisse dire est que le chef d’Etat US respecte peu ces principes! Quand on fait bombarder, directement ou indirectement, des millions de personnes en tuant des civils par dizaines de milliers, on malmène vraiment le «tu ne tueras pas» du 5e commandement. Quand on veut annexer le Canada et le Groenland, le 10e, «tu ne convoiteras pas la propriété d’autrui», va mal! Quand on diffuse des fake news par centaines au quotidien, on ne sait pas trop ce qu’il reste du 8e, «tu ne porteras pas de faux témoignages, ni ne mentiras». Et puis le 7e, «tu ne voleras pas», n’autorise sûrement pas à pratiquer le capitalisme le plus brutal ni à vivre aux frais des contribuables! Bref, si les élèves et les citoyen·nes lisaient bien les commandements, une nouvelle génération de révolutionnaires voudrait vite en finir avec les trumpitudes…
Mais voilà, entre les biais cognitifs du président guidé par son seul égocentrisme et ceux de ses supporters conditionnés par leurs appartenances, les tables de la loi ne pèsent pas plus que les lois humaines ou la morale la plus élémentaire. La certitude d’avoir raison contre tout et contre tous s’accommode, sans explications, des pires contradictions. Ce qui s’observe dans tous les régimes autoritaires, de plus en plus nombreux de nos jours. On se demande par quels miracles la raison a pu, jadis, produire des gouvernements dépourvus de culte de la personnalité et des organisations internationales parfois consensuelles face aux nationalismes intransigeants et aux égos des dirigeants totalitaires.
Ce n’est pas que les sources biologiques et culturelles de la raison et de l’empathie manquent: elles n’ont jamais été si nombreuses et si disponibles qu’aujourd’hui. Les bonnes idées sur les gouvernances humaines, le souci et la préparation de l’avenir, le respect des autres et l’empathie fleurissent autant sur les sites internet qu’elles étaient cachées, autrefois, au fond de bibliothèques inaccessibles au plus grand nombre. Les sujets fondamentaux, mais difficiles, comme le réchauffement climatique, la biodiversité et les méfaits de l’extractivisme sont tombés dans le domaine public grâce à des livres, des films, des séries télévisées et des communicants talentueux comme David Attenborough1>David Attenborough, Une vie sur notre planète, Flammarion, Paris, 2021..
Encore faudrait-il que l’éducation et les médias invitent les gens à utiliser ces ressources, disponibles sur n’importe quel smartphone, et que les propagandes des lobbies politiques et religieux ne les en dissuadent pas. Ce qu’ils font en semant les haines nationalistes et religieuses ou en niant l’urgence à renoncer aux superflus d’aujourd’hui pour laisser le nécessaire à la survie à nos descendant·es demain.
L’agression trumpiste contre les sciences et les cultures, reprise en cœur par les extrême droites, est la pire régression de la raison qu’un totalitarisme ait inventée. Nazisme et stalinisme ont énormément biaisé et détourné la science et ses recherches, mais ne les ont pas contestées dans leur principe, tant il était clair qu’elles pouvaient servir leurs projets nauséabonds, en particulier sur le plan militaire et celui de la propagande. Tandis que Trump, obsédé par la fiction de l’argent, ne semble même pas s’apercevoir de la catastrophe nationale et internationale qu’il prépare en sabordant des ressources indispensables aux économies ou à ses armées. A moins qu’il ne soit simplement indifférent à un avenir dont son espérance de vie le privera…
Notes