Frédérique Perler et Sami Kanaan ont définitivement rendu les clés du Palais Eynard, après cinq ans à l’exécutif de la Ville de Genève pour la première, quatorze pour le second. De leur passage, on se souviendra sans doute des monuments, à l’image de la nouvelle Comédie enfin inaugurée en 2021 ou du Muséum d’histoire naturelle, dont les travaux devraient finalement s’achever après moult retards. De ceux aussi qui n’ont pas vu le jour, comme le Musée d’art et d’histoire version Jean Nouvel ou la passerelle piétonne du pont du Mont-Blanc, tous deux balayés en votations. Avec un peu de chance, la persistance du bâti supplantera dans les mémoires les souvenirs épineux du scandale des notes de frais qui, en 2018, secouait l’exécutif alors présidé par Sami Kanaan. Le temps fera aussi son œuvre sur les affaires du dégrappage aux Pâquis et des embauches polémiques au sein du département de Frédérique Perler.
Au-delà de ces morceaux choisis, sans doute les plus spectaculaires, on doit à ces deux magistrat·es d’avoir provoqué une vague de fond dans leurs départements respectifs. D’une culture morcelée, Sami Kanaan à force de concertation – certes lente – aura su ramener à la table des partenaires brouillés. Dont le canton, qui remet le pied dans la danse et la main à la poche grâce à l’avènement d’un principe de cofinancement de la culture. Reste que le partage du gâteau, notamment entre musique classique et actuelles, demeure largement inégal. Un chapitre qu’on espère voir empoigner pleinement sa successeure socialiste, Joëlle Bertossa. Les prochaines années diront aussi si la cogouvernance entre Ville et canton aura tout d’un mariage heureux ou d’un chemin de croix. La droite cantonale, prompte à dégainer les coupes budgétaires, verra-t-elle dans la culture un nouveau terrain de chasse?
Frédérique Perler s’en va quant à elle par la petite porte, usée prématurément par un jeu politique qui ne fait guère de cadeau à celles et ceux qui ne maîtrisent pas avec finesse l’art de la communication. Sans doute aurait-elle espéré couper le ruban du futur parc de la Jonction ou de la rue de Carouge apaisée, héritages pour les générations futures d’une ville résolument plus verte et adaptée aux défis de son siècle. Le temps aura manqué. Mais la vision urbanistique fait son chemin. Les petites oasis esquissées par Frédérique Perler, à coups de piétonisation, végétalisation et désimperméabilisation, sont vouées à devenir la norme de l’aménagement urbain du centre genevois. Dans quelques années, parions que l’on louera les réflexes acquis durant cette législature. Et qu’on aura oublié la maladresse avec laquelle la sortante avait négocié les quelques coups de marteau-piqueurs sauvages qui avaient, alors, eu le mérite de jeter un pavé dans la mare.