Édito

Petite réforme pour la petite enfance

Petite réforme pour la petite enfance
Le personnel qui manifestait mercredi soir contre le gel des mécanismes sait qu’au final, il sera seulement perdant. JPDS
Ville de Genève

Le paradoxe est flagrant. Fin août, le Conseil administratif de la Ville de Genève a annoncé une «municipalisation» partielle et progressive de la petite enfance dès 2023, pour élever cette mission au rang de service public, comme l’école, et revaloriser ces métiers essentiellement féminins. Quasi simultanément, il informait que les mécanismes salariaux du personnel municipal, mais aussi de la petite enfance, seraient gelés dans le cadre de son projet de budget 2022.

Pour ce faire, l’exécutif à majorité de gauche a mis la pression sur les partenaires sociaux afin qu’ils dénoncent la convention collective de travail. Si les syndicats ont bien entendu refusé, la Fédération genevoise des institutions de la petite enfance, faîtière des comités de bénévoles gérant les 77 crèches et espaces de vie enfantine de la commune, a obtempéré.

L’exécutif, qui promet d’ici à 2028 d’améliorer les conditions de travail dans la petite enfance, commence donc par les détériorer puisqu’il renonce aussi à l’indexation. L’économie se traduira donc par une baisse du pouvoir d’achat. Pour le personnel, la «municipalisation» promise – si elle vient – ne peut même pas être perçue comme une amélioration à plus long terme puisqu’en réalité, le mot même est une tromperie.

Pourquoi? Parce qu’on ne peut que municipaliser des structures qui existent déjà. Or, les ambitions de la magistrate Christina Kitsos se sont heurtées à la rouge réalité budgétaire et son projet a accouché d’une souris: seules les nouvelles crèches seront rattachées à la Ville. Le personnel qui manifestait hier soir contre le gel des mécanismes sait qu’au final, il sera seulement perdant.

En 2028, les employées et employés sous le nouveau régime formeront 15% du personnel. Un tel double régime, qui mine depuis trop longtemps le Grand Théâtre, n’est pas souhaitable ailleurs. Surtout, empêtré dans son incapacité à trancher entre les priorités, le Conseil administratif donne lui-même les arguments pour saborder son projet minimaliste: car pour l’essentiel, les difficultés liées à la gouvernance actuelle, créée il y a un siècle et demi sur le modèle de la charité, vont perdurer. Pourtant, basculer vers un pilotage complètement professionnel est le moteur de la réforme. A couper les cheveux en quatre, l’exécutif prend le risque que le Conseil municipal confie tout le secteur à une fondation. Sans revalorisation salariale. Et privant la Ville de piloter directement la politique de la petite enfance, alors qu’elle y injecte déjà 120 millions de francs par an et que, surtout, les enjeux pédagogiques, sociaux et éducatifs y sont majeurs.

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