Nous sommes parents d’enfants fréquentant tous les cycles de scolarité de l’école publique en Suisse romande. Depuis plus d’un an, nous observons avec beaucoup de préoccupations la multiplication d’attaques contre l’éducation sexuelle à l’école. Nous constatons qu’un groupe de parents anti-éducation sexuelle, nourri de discours réactionnaires, homophobes et transphobes, s’est senti pousser des ailes au point de se lancer dans de véritables campagnes de harcèlement afin de dégrader le quotidien professionnel et personnel des éducatrice·teurs en santé sexuelle et reproductive. Ces mobilisations ne sont pas anecdotiques, elles ont déjà un impact sur cette partie fondamentale de la formation de nos enfants et elles participent aux attaques qui, ailleurs dans le monde, menacent notamment les droits à l’avortement et à l’autodétermination.
Selon ce groupe, l’éducation sexuelle n’a rien à faire à l’école et devrait se tenir dans le cadre familial selon les valeurs de chacun·e. Sans répondre mot pour mot à ces discours, ce que Santé sexuelle suisse a déjà fait par ailleurs très bien, rappelons rapidement qu’en Suisse un·e enfant sur dix est victime de violence sexuelle1>Etude Optimus (2012): 1 enfant sur 7 est victime de violences sexuelles. 25% des cas dans le cadre familial; Etude Ipsos (2019): 1 enfant sur 10 est victime de violences sexuelles, 44% dans le cadre familial.. D’après l’Office fédéral de la statistique, plus de la moitié de ces abus ont lieu dans le cadre familial2>Office fédéral de la statistique – Consultations de victimes selon la relation auteur-victime (2024).. Le fait que les violences sexuelles constituent un problème de santé publique de premier ordre nous semble offrir un argument non négociable quant à la nécessité d’une prise en charge scolaire de l’éducation sexuelle, afin que celle-ci ne soit pas reléguée exclusivement à la sphère familiale.
Par ailleurs, chaque parent ne se sent pas à l’aise d’aborder avec son enfant des sujets en lien avec la sexualité ou n’a pas forcément les connaissances nécessaires ou encore le voit évoluer dans un contexte social et culturel très différent de celui dans lequel il/elle a grandi. Chaque enfant n’a pas envie ou ne peut pas aborder ces thématiques avec ses parents. C’est pourquoi il est du devoir de l’école, en tant que lieu d’instruction, d’éducation et de socialisation de fournir aux enfants une information adaptée à leur âge, scientifiquement correcte et inclusive concernant la vie sexuelle et affective. En abordant des thématiques liées au respect de son orientation sexuelle et aux droits à l’autodétermination de genre, l’éducation sexuelle apporte justement des outils de prévention des discriminations et des violences pour développer le bien-être et l’estime de soi de chaque enfant et s’inscrit ainsi pleinement dans cet espace où la mission est d’enseigner le respect de l’autre et le «vivre ensemble».
Il est également évident que quelques heures d’éducation sexuelle tous les deux ans ne jouent aucun rôle dans la confrontation des enfants à du contenu sexuel inapproprié: leurs smartphones s’en chargent très bien. Donnons-leur justement des outils pour que nos enfants sachent réagir face à ces images.
Afin de faire face à la désinformation produite par une minorité de personnes irresponsables, nous pensons qu’il est urgent de prendre position pour défendre une éducation à la vie sexuelle et affective de qualité, inclusive et basée sur les droits sexuels, menée par des personnes formées à remplir une tâche aussi importante.
Notes