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Le Courrier L'essentiel, autrement

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Ecrire l’exil

Cette chronique littéraire a été écrite par une étudiante en Lettres de l’université de Genève, dans le cadre de l’atelier d’écriture animé par Marko Vucetic.
L'atelier d'écriture

«Le droit à la parole est universel.» Cette affirmation qui fait du bien, Dramé, le protagoniste du Journal d’un exilé, ne cesse de la remettre en question. En arrivant à Paris, le jeune réfugié guinéen arpente la ville à la recherche d’un endroit où dormir en attendant de lancer une procédure de demande d’asile. Toutes les portes lui sont fermées et il échoue dans un tunnel routier où Fodié, un autre exilé, lui ouvre sa tente. Entre les deux hommes se tisse une amitié forte, interrompue brutalement par la mort de Fodié. Dramé décide alors d’écrire pour son ami, mort sans avoir eu droit à la parole.

Ce faisant, il confronte les principes humanistes de son pays d’accueil à la réalité; une réalité où, pour subsister, les individus renoncent à avoir un nom, une identité; une réalité où l’administration œuvre activement à l’effacement – juridique ou total – des réfugié·es; une réalité enfin où les femmes, pour survivre à la violence des hommes, renoncent à leur statut de citoyennes et préfèrent s’effacer aux côtés des exilés.

Au fil de ce premier roman, Amadou Barry livre le parcours de Dramé dans une langue difficile à suivre. Ce style décousu et parfois même fautif, à la ponctuation aléatoire, le narrateur s’en dédouane dans le prologue: il n’est pas Balzac et ne fera pas de beaux discours. Pour autant, cela n’en rend pas plus agréable une lecture où les registres se mêlent au sein d’un même paragraphe et où un petit nombre de sujets est repris en boucle.

Mais cette langue déroutante et circulaire semble comme symptomatique de l’état des ­exilés du tunnel, dont la vie tourne en rond malgré eux. C’est peut-être seulement par une lecture laborieuse qu’il nous est possible d’entrer, un peu, dans l’enfer de ce combat constant pour le droit d’exister.

Amadou Barry, Journal d’un exilé, Ed. Julliard, 2025, 336 pp.