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Le Courrier L'essentiel, autrement

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«Apprendre un peu de Turquie»

Cette chronique littéraire a été écrite par une étudiante en Lettres de l’université de Genève, dans le cadre de l’atelier d’écriture animé par Marko Vucetic.
DR
L'atelier d'écriture

Entre ses compromissions avec le stalinisme, ses tromperies, son narcissisme, l’abandon de sa femme et celui de son nouveau-né, Nâzim Hikmet est sans aucun doute un salaud. Ainsi, lorsque le jeune narrateur du premier roman de Nicolas Elias rencontre ce poète turc, rendu célèbre par son long emprisonnement et son exil dus à ses idéaux communistes, il a pour projet secret d’échancrer le mythe en dévoilant les éléments de sa vie que les biographes, épris d’hagiographie, ont passés sous silence.

Pourtant, dans ce récit, l’auteur français ne nous livre finalement pas le portrait au vitriol promis dès les premières pages. Au fil d’entretiens intimes dans le triste Moscou de 1963, le narrateur plonge dans la vie romanesque de Nâzim et se retrouve, malgré lui, happé par le lyrisme de cet homme alors malade, qui raconte avec mélancolie la Turquie du siècle dernier. C’est en réalité une évocation de la poésie turque dans son ensemble qui nous est proposée au fil d’une biographie complexe, entrecoupée de morceaux de poèmes dont se dégage parfois un étrange érotisme.

Portrait du poète en salaud nous fait découvrir un moment de l’histoire littéraire et politique relativement méconnu de ce côté-ci de l’Europe. Le roman redonne ainsi vie à un temps où la poésie pouvait menacer des gouvernements, se cachait sous les doublures des manteaux et se chuchotait entre amis autour d’un verre.

Nicolas Elias, Portrait du poète en salaud, Ed. Les Argonautes, 2025, 208 pp.