Le titre de l’agora d’Alison Katz, intitulée «l’ingérence des Etats-Unis n’avait pas pour objectif la démocratie», est totalement correct. Les interventions des Etats-Unis n’ont jamais eu pour objectif la démocratie. Cependant, l’analyse de l’auteure ignore les racines du soulèvement populaire syrien et se trompe sur les dynamiques impérialistes des Etats-Unis en Syrie.
Tout d’abord, revenons sur ladite «intervention massive» des Etats-Unis afin de «renverser» le régime syrien à la suite du déclenchement du soulèvement populaire en mars 2011. En réalité, les Etats-Unis étaient réticents à changer radicalement le statu quo en Syrie. Ils ne voulaient que des changements superficiels, notamment le départ du dictateur Bashar al-Assad du pouvoir. Il s’agissait de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’en Irak, en évitant le démantèlement de l’Etat, des forces de sécurité et de l’armée.
Cette politique s’est traduite par l’absence d’assistance militaire importante, organisée et décisive des Etats-Unis aux groupes d’opposition armés syriens. Les gouvernements occidentaux n’ont fourni qu’un soutien «non létal» et de l’assistance humanitaire, tout en résistant aux appels à établir des zones de sécurité ou des zones d’exclusion aérienne. En outre, les Etats-Unis se sont opposés à la fourniture à l’Armée syrienne de libération (ASL) de missiles capables d’abattre des avions de guerre – ce qui aurait pu limiter les frappes aériennes meurtrières et destructrices.
De plus, malgré les lignes rouges énoncées par le président Obama sur l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien, comme cela a été le cas en août 2013 contre les zones contrôlées par l’opposition dans les banlieues de Damas de la Ghouta orientale et occidentale, tuant plus de 1000 civil·es, aucune intervention militaire des Etats-Unis n’a eu lieu.
Certes, il y a eu une implication massive des Etats-Unis en Syrie, mais pas contre le régime syrien. A la suite de la montée en puissance de l’Etat Islamique (EI) et la création de son califat en juin 2014, le président Obama a mis en place une coalition internationale contre le groupe djihadiste. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette stratégie que les Etats-Unis ont soutenu en crescendo les forces YPG à travers la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Les administrations américaines n’ont donc jamais cherché un changement de régime en Syrie.
Les Etats-Unis ont d’ailleurs vu la chute du régime syrien en décembre 2024 d’un mauvais œil, craignant que cela ne crée davantage d’instabilité dans la région.
De plus, Alison Katz ignore le rôle et la volonté d’une grande majorité des classes populaires syriennes de renverser le régime des Assad, en s’inspirant des soulèvements en Tunisie et en Egypte et à la suite de la répression violente des forces de sécurité syriennes. Ce régime se caractérisait par un despotisme sanglant et des inégalités croissantes à cause des politiques néolibérales accélérées depuis les années 2000, accompagnées de mesures d’austérité appauvrissant de larges secteurs de la population. Sans ignorer les répercussions négatives des sanctions sur sa population, le régime syrien était le premier responsable de la misère par ses politiques économiques et sa guerre destructrice. Sans oublier que le régime n’a jamais été un garant de «l’équilibre fragile de la mosaïque confessionnelle». Bien au contraire, son instrumentalisation du confessionnalisme et des différences ethniques pendant des décennies a nourri les tensions dans le pays.
Finalement, la critique la plus significative à adresser à Alison Katz est l’absence dans son récit du rôle des classes populaires syriennes dans leurs luttes contre le régime syrien et aujourd’hui leurs tentatives de construire un espace démocratique, de justice sociale et d’égalité – avec tous les défis que nous connaissons.