Trois mois après la votation du 24 novembre et le rejet des propositions des bailleurs visant à affaiblir la protection contre les congés abusifs, la suite des opérations commence à apparaître. Il est désormais clair que les milieux immobiliers ne veulent pas en rester là. Ils considèrent que si la majorité des votant·es ne les a pas suivis, ce n’est pas qu’il faille renoncer à l’objectif de précariser les locataires, mais changer de méthode.
Au niveau parlementaire, les travaux vont se poursuivre. Vendredi dernier, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a décidé de reculer d’un petit pas pour mieux sauter. Elle a accepté de classer l’une des deux propositions encore en suspens: celle visant à supprimer la contestation du loyer initial. Elle maintient en revanche la seconde, concernant le calcul des loyers (loyer usuel du quartier).
Cette proposition sur les loyers impacterait les locataires dans trois cas:
a) Au début du bail, lors de la contestation du loyer initial. Le loyer usuel dans le quartier est invoqué par les bailleurs pour justifier leurs loyers trop élevés. La modification débattue au Parlement rendrait en pratique impossible pour le locataire de faire valoir ses droits. Des loyers aujourd’hui considérés comme abusifs deviendraient en effet juridiquement admissibles.
b) En cours de bail, lorsque le locataire demande une baisse de loyer liée à celle du taux de référence pour le calcul des loyers. Le bailleur peut tenter de refuser de baisser le loyer en prétendant que le loyer réduit serait inférieur à l’usage dans le quartier. Comme le taux de référence diminuera dès le mois de mars et que cette baisse ne sera pas la dernière, la manière de démontrer l’usage dans le quartier est un vrai enjeu.
c) Lorsque le bailleur fait usage du congé dit «économique»: c’est ici que cette modification serait la plus nuisible aux locataires. Le Tribunal fédéral a en effet ouvert une brèche dans la protection des locataires en jugeant admissible de résilier un bail pour relouer plus cher à un tiers. Il a posé une condition: le nouveau loyer annoncé par le bailleur ne doit pas être abusif. En permettant l’utilisation de statistiques des milieux immobiliers, cette proposition faciliterait grandement les résiliations de bail.
Le Conseil national va voter cette modification. Il faut donc à nouveau se préparer au référendum et à une campagne difficile. Les milieux immobiliers risquent en effet de réitérer leurs exploits orwelliens de cet automne, en prétendant que ce changement est mineur et uniquement destiné à éviter la bureaucratie.
Au niveau du Conseil fédéral, les bailleurs avancent aussi leurs pions, grâce au conseiller fédéral Guy Parmelin. Les mesures attendues depuis deux ans pour protéger les locataires contre les hausses de loyer ne sont jamais venues. En 2023 et 2024, des dizaines de milliers de locataires ont été impactés.
Au lieu d’agir rapidement, comme il pouvait le faire, Guy Parmelin a joué la montre en multipliant comme à son habitude consultations, tables rondes et avis d’experts. Aujourd’hui, le cap des hausses de loyer est passé. Maintenant que les bailleurs ont obtenu ce qu’ils voulaient, le Conseil fédéral est prêt à modifier son ordonnance. Rien de surprenant: en réduisant le pourcentage de variation de loyer lors du changement de taux de référence, il servirait en réalité les intérêts des bailleurs. Comme ce taux devrait baisser dès le mois de mars et pour les prochaines années, cette modification priverait les locataires d’une partie de leurs droits à des baisses de loyers!
Les locataires auront à dénoncer la manœuvre lors de la consultation prévue par le Conseil fédéral et en rappelant que le niveau des loyers exclut dans certaines villes plus de la moitié de la population. Il y a urgence à renforcer la protection des locataires.