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Ethique académique: «La mobilisation paie!»

«La mobilisation a payé. Le boycott des universités israéliennes doit s’appliquer sans délai», estime Joseph Daher, en référence aux mesures préconisées par le rapport (lire notre édition du 29 janvier) du groupe de travail de l’Unil publié la semaine dernière, qui établit un cadre éthique pour les collaborations académiques externes. La création de cette cellule d’expertise avait été initiée en mai dernier par l’Unil, en réponse aux interpellations du collectif étudiant occupant le campus en solidarité avec Gaza.
Université de Lausanne

Le groupe de travail mandaté par la direction de l’Unil, à la suite de la mobilisation étudiante et de l’occupation pacifique du bâtiment Géopolis en mai 2024, a publié le 28 janvier son rapport sur les enjeux éthiques des collaborations externes. Le rapport, sans mentionner directement la question palestinienne, énonce clairement un cadre de collaboration sous l’angle de l’éthique, de l’intégrité scientifique, du droit international et de la liberté académique. Un des objectifs formulés est d’éviter les collaborations avec toute «institution ou organisation partenaire qui se rend responsable de violations graves ou systématiques des droits humains, ou qui porte assistance à de telles violations».

Les recommandations du rapport ont été saluées par le collectif étudiant Géopolis Palestine et les membres du corps enseignants mobilisés en faveur des revendications du collectif. En effet, le rapport ne fait que confirmer les objectifs du mouvement d’occupation de l’Unil, visant notamment le boycott des institutions universitaires israéliennes. La mobilisation étudiante et du corps enseignant en soutien, à l’Unil comme ailleurs en Suisse et dans le monde, se base sur un constat simple, conforté par de nombreuses recherches académiques et autres: les universités israéliennes jouent un rôle actif dans le projet de colonisation de peuplement, l’occupation militaire et l’apartheid de l’Etat d’Israël. Sans oublier leurs complicités, directes ou indirectes, dans le crime de génocide à Gaza, tel que caractérisé par la Cour internationale de justice et de nombreuses organisations des droits humains.

L’Université hébraïque de Jérusalem (HUJI), avec laquelle l’Unil collabore au niveau académique, est en effet coupable de nombreuses violations de droits humains. L’HUJI est partiellement construite sur des terres palestiniennes confisquées à Jérusalem-Est occupée, en violation totale du droit international. Elle a ouvert une base militaire dans ses locaux pour permettre aux soldats israéliens de recevoir une formation universitaire, a mis son campus à disposition de la police israélienne pour faciliter ses actions de surveillance des populations palestiniennes voisines, et s’est vantée d’avoir fourni «divers équipements logistiques aux unités militaires» qui commettent un crime de génocide à Gaza, tout en offrant un «package financier amélioré» aux étudiant·es soldat·es participant à ce crime. De plus, l’université n’a pas hésité à réprimer des manifestations étudiantes et les voix académiques critiques des violations des droits humains commis par l’Etat israélien. Telle, par exemple, Nadera Shalhoub-Kevorkian, professeure palestinienne à l’HUJI, ciblée par une campagne virulente d’universitaires, de la police et des médias israéliens pour avoir critiqué l’occupation et le génocide à Gaza. La direction de l’université a publiquement exigé sa démission.

Le constat s’impose que la direction de l’Unil doit corriger sa trajectoire en appliquant dans les plus brefs délais les recommandations du rapport, y compris la suspension des collaborations avec les partenaires impliqués dans des violations graves ou systématiques des droits humains, comme c’est le cas de l’Université hébraïque de Jérusalem. En toute logique, l’Unil devrait également mettre fin à toute les formes de pression envers les étudiant·es et le corps enseignant qui se sont mobilisés pour cette cause juste et légitime, confirmée de facto par le groupe d’expert·es dans son rapport.

In fine, nous constatons une fois de plus que le changement pour les droits démocratiques et sociaux vient des mobilisations par en bas, et non des cercles dirigeants. Sans la mobilisation du printemps dernier, ce rapport n’aurait jamais vu le jour. Dès lors, poursuivons le mouvement, ici et ailleurs, pour le boycott de l’Etat d’Israël et ses institutions criminelles.

* Professeur spécialiste du Moyen-Orient.