L’économiste Kenneth Boulding est célèbre pour avoir dit: «Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste!» Durant les 99,9% de son développement, l’humanité a respecté les limites planétaires. La prospérité de peuples du monde entier (Egypte, Asie, Europe, Amériques, etc.) était intégralement basée sur des ressources renouvelables.
On connait la suite: la révolution industrielle initie l’exploitation des ressources fossiles, l’Asie devient l’usine de l’Europe et nous inonde de véhicules, d’électronique, de gadgets en plastiques, de baskets à LEDs et de réseaux sociaux… en rendant au passage la vie des entreprises suisses de plus en plus difficile, que cela soit au niveau industriel, des PME ou des paysans. C’est à la fin du XXe siècle que le basculement s’est produit: l’activité économique mondiale a commencé à consommer plus de ressources que la planète ne peut en produire. Les émissions de gaz à effet de serre notamment ont excédé les capacités de recaptage offertes par les océans et les forêts.
La bonne nouvelle, c’est que les solutions pour réintégrer notre économie dans les limites planétaires sont connues et déjà partiellement appliquées: solaire, éolien, hydrogène, circuits courts, efficacité et sobriété énergétique, etc. Avec une diminution d’environ 30% des émissions de CO2 en trente ans, on va dans le bon sens… mais pas assez vite! Alors faut-il mettre en prison les industriels, les banquiers, tous ceux qui mangent trop de viande et prennent trop l’avion, et d’ici dix ans faire une croix sur notre confort et notre compétitivité, comme semblent le craindre les opposants à l’initiative des jeunes Verts?
Bien sûr que non. Ayant initié un des premiers programmes d’économie d’énergie de notre pays, je sais que la plupart des consommateurs et des consommatrices souhaitent agir pour l’environnement mais ne savent souvent pas comment commencer: formation, incitations et accompagnement sont les principales clés pour que les habitudes changent et que les technologies propres prennent le dessus… tout en diminuant au passage notre dépendance à l’étranger, en créant des emplois non délocalisables et en renforçant notre sécurité d’approvisionnement.
Il devient de plus en plus évident que ne pas changer est aujourd’hui l’option la plus risquée. Comme elle l’a déjà fait pour de nobles causes telles que la Croix-Rouge, la Suisse a peut-être ce destin d’incarner au cœur de l’Europe une prospérité ancrée dans la réalité physique du monde… Un antidote à l’économie hors sol proposée par les gourous de la tech étasunienne?
J’aime bien cette phrase de Dennis Meadows, co-auteur du prophétique rapport au Club de Rome (1972): «On peut toujours avoir plus de ce qui est vraiment important»; l’accumulation de biens, au-delà d’une certaine limite, ne rend pas plus heureux. A partir du moment où l’accroissement de richesses menace les fragiles équilibres propices à notre bien-être, nous devons passer à un autre mode de croissance, plus axé sur la qualité que sur la quantité.
En Suisse nous sommes à juste titre fier·ères de notre modération, de la qualité de nos produits, de la beauté de notre nature: «Small is beautiful» pourrait être notre devise…
Alors, le 9 février, glissons un grand «oui» dans l’urne et faisons confiance à notre capacité d’innovation: il est temps de reboucler la boucle, de réinsérer notre économie dans les cycles naturels. Occupons-nous de la nature, avant que la nature ne s’occupe de nous!