Quittons un peu la scène politique de cette autre campagne qui s’annonce, car l’opportunisme de certains atteint un niveau peu glorieux. Oublions aussi les fantasmes assumés ou pas de devenir propriétaire d’une villa de maître, villa qui n’a en soit que peu de valeur à l’échelle territoriale. Rappelons-nous par contre la vraie valeur en jeu, celle de la maîtrise bien pensée de la ville et de l’espace public. Que des promoteurs de droite ne comprennent pas qu’il soit nécessaire de valoriser un espace public pour donner de la valeur à l’espace privé reste pour moi une énigme.
A l’échelle du terrain, nous avons une population de quartier qui demande à ce que son espace hyper densifié soit équilibré et conserve un espace vital commun. Comment peut-on dire qu’un référendum rive gauche contre la rive droite est un acte hautement démocratique? Ceux qui affirment que la population doit pouvoir donner son avis dans le cadre d’un référendum sont les mêmes qui, pour des raisons purement électoralistes, sont incapables d’entendre la demande venant de la population de l’autre rive qui en vient même à manifester dans la rue.
Mais au-delà de la politique politicienne, intéressons-nous un peu plus à l’échelle du territoire. Il apparaît que pour ce grand quartier de la ville, qui collectionne les plans localisés à haute densité, cette campagne est un espace absolument nécessaire à la respiration. Ce parc potentiel à l’échelle du quartier apporte la preuve qu’il est possible de construire dense, si on pense à y laisser des vides et des parcours qui relient ces vides. La campagne Masset nous permettrait de traverser ce quartier du nord au sud et du parc des Franchises au bord du Rhône.
En plus des PLQ des années 70 et 80, nous avons bientôt le PDQ Michée Chauderon et l’immense pavé du PLQ de la Concorde qui sort de terre. Ainsi, le «vide» de la campagne Masset apparaît pour ce qu’il est, à savoir le minimum vital à laisser ouvert au public pour qu’il puisse respirer.
A l’échelle de la ville elle-même, pour bien saisir l’importance de ce territoire, faisons une simple comparaison du quartier Concorde-Masset-Cayla avec le PAV. Mis côte à côte, ces deux «nouveaux» morceaux de ville sont de la même dimension!
Et oui, il y a un parc de logement existant ou en devenir sur la rive droite de la dimension du PAV et il pourrait y avoir un parc ou un morceau de campagne qui fait justement défaut au PAV. Allons nous refuser cette opportunité de campagne à ce territoire immense, alors que pour le PAV nous avons finalement inventé un parc liquide et tout en longueur? Il n’y a pas de Drize à la Concorde, mais il y a une campagne historique et peut être enfin publique: le parc de la campagne Masset.
Il faut voir et comprendre ces échelles territoriales, il faut accepter ce parc et refuser ce référendum qui contredit tout ce que nous essayons de faire en termes de qualité d’espace public pour supporter une densité devenue nécessaire.
Que cela soit pour le quartier, la population ou le territoire, cette campagne est une évidence!
Bernard Delacoste,
architecte EPFL SIA,
Conseiller municipal vert en Ville de Genève