On reprend les mêmes et on recommence. L’expression était sur toutes les bouches en France ce week-end, après la nomination du «centriste» François Bayrou, 73 ans, au poste de premier ministre. Fidèle soutien et proche d’Emmanuel Macron, il se serait même permis le luxe de piquer une crise dans le bureau du président, ce dernier lui annonçant vendredi qu’il ne sera pas nommé. Un coup de sang, qui, menaces à l’appui, ont fait changé d’avis son ancien poulain. Le vaudeville à la française continue et ce n’est pas dans l’intérêt des citoyen·nes.
Désavoué trois fois depuis la fin du printemps, M. Macron n’en a visiblement cure et s’assoit à répétition sur la démocratie. Le désormais très impopulaire chef d’Etat, ami des milliardaires, semble véritablement prêt à tout pour ne pas laisser la gauche gouverner. La dégringolade avait pris forme en juin lors des Européennes, lors desquelles le parti du président avait fait un tel flop que celui-ci a hâtivement prononcé la dissolution du parlement. Mais les élections législatives du 7 juillet ont à nouveau désavoué les macronistes en propulsant en tête le Front populaire, l’inespérée alliance des gauches.
Or loin de nommer la candidate de cette formation au poste de premier ministre, comme c’est l’usage, Emmanuel Macron a choisi en septembre un ténor de la droite, Michel Barnier, dont le parti avait fait 7%, dans l’espoir qu’il poursuive sa politique d’austérité. L’homme n’aura tenu que trois mois avant d’être censuré par le parlement, car il balaya à son tour les compromis passés par les élu·es sur le budget en passant en force avec le 49.3. Une disposition constitutionnelle qui permet à l’exécutif de contourner les Chambres du peuple. C’est aussi grâce à celle-ci que les réformes antisociales sur les retraites (2023) et sur le travail (2016) avaient été adoptées.
L’obstination du président peut sembler incompréhensible. Se trouve-t-on face à un «forcené de l’Elysée» ou un «pervers narcissique»1>Lire le livre de Marc Joly, La Pensée perverse au pouvoir, 2024.? Ce qui est sûr c’est que l’imposteur qui se présentait comme «ni de gauche ni de droite» a mené depuis sept ans l’une des politiques les plus néolibérales de l’histoire de son pays. Les intérêts en jeu sont colossaux: depuis 2017, les 500 plus riches de France ont doublé leur patrimoine, notamment grâce à la suppression de l’impôt sur la fortune. La réforme des retraites et l’abandon des services publics visent à ouvrir d’immenses marchés. Les attaques contre les protections des employé·es et des chômeur·euses ont pour but de rendre le travail peu coûteux et ultraflexible. Tout cela vaut bien un peu d’entêtement. Et s’il devait être destitué, M. Macron n’aura qu’à «traverser la rue» pour trouver un autre emploi, dans le secteur privé d’où il vient, la banque Rothschild en l’occurence.
Notes