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EFAS: «Des affirmations trompeuses»

Réfutant les «avantages» d’un transfert des soins vers l’ambulatoire, tels que prônés par les partisans de la réforme du financement de la santé (EFAS), Micheline Fontolliet pointe la mainmise des assureurs sur le système de santé.
Votation fédérale

Le 8 novembre, la RTS1 a consacré une partie du 19.30 à l’un des objets de la future votation du 24 novembre, soit la réforme du mode de répartition du financement des soins (ambulatoires, stationnaires, longue durée) dite Efas.

L’objectif de cette réforme est de faire pression sur les coûts de la santé, entre autres en promouvant la chirurgie ambulatoire: chirurgie du sein, du pied, mais aussi hernie, appendicite ou arthroscopie sans séjour hospitalier postopératoire, c’est ce que pratique déjà le Centre hospitalier de Bienne (CHB) dans son nouveau centre dédié à la chirurgie ambulatoire. Codirecteur médical des disciplines du CHB, le chirurgien en gynécologie Jérôme Mathys fait ainsi l’apologie des opérations en ambulatoire, je cite: «On peut amener ses enfants à l’école, se faire opérer, et, en gros, récupérer ses enfants après l’école.»

Rien que ça! Quel exemple choisi! Et quel argument! Cette affirmation est à mon sens pour le moins trompeuse: laisser entendre qu’une opération en ambulatoire est une «promenade de santé» que l’on peut aisément caser dans sa routine quotidienne banalise une intervention qui, à moins d’être superficielle, reste un passage sur une table d’opération avec ses corollaires: anesthésie locale, voire sédation, et douleurs quand la plaie se réveille, même si les techniques chirurgicales actuelles ne sont plus aussi invasives que par le passé. Cela implique aussi pour le patient ou la patiente des conditions peu compatibles avec des obligations telles que celles citées plus haut: convocation à l’hôpital deux heures avant l’intervention (soit à 7h pour une opération à 9h), deux à quatre heures de surveillance postopératoire et des précautions à prendre lors du retour à la maison. Je défie en outre quiconque ayant été opéré·e d’un pied ou d’une appendicite puisse, sans autre, aller le jour même «récupérer ses enfants après l’école»!

Autre avantage cité par le Dr Mathys: «moins on est à l’hôpital, plus vite on est sur pied (…) et finalement, il y a moins de complications périopératoires.» On apprécie…! Disons-le aussi: ça coûte surtout moins cher! Mais peut-être pas pour longtemps, si la réforme proposée implique une augmentation des interventions en ambulatoire: les hôpitaux devront sans doute renégocier à la hausse leurs tarifs pour l’ambulatoire, afin de compenser ce que leur rapportaient les soins stationnaires.

Prôner le «vite fait, bien fait» à moindre coût est emblématique de ce qui se profile avec cette réforme. Financeurs majoritaires des soins (73,1%), les assureurs seront d’autant plus libres de refuser le remboursement de ce qui ne vient pas conforter leur excellente santé financière: un coup de canif dans la vocation première des acteurs de la santé, hôpitaux, EMS et soins à domicile – qui est de soigner, dans son sens le plus large: «s’occuper du bien-être de quelqu’un».

Mais nous avons encore notre mot à dire le 24 novembre: «non»!

Micheline Fontolliet est retraitée, de Genève.

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