Asile LGBTIQ+: «une pratique confuse»
S’il est admis que l’orientation sexuelle fait partie de l’identité d’une personne, au même titre que les quatre principaux motifs de persécution définissant le statut de réfugié, et que les personnes étant persécutées en raison de leur orientation sexuelle font partie d’un groupe social déterminé, le traitement par les autorités suisses des demandes d’asile motivées par l’orientation sexuelle reste toutefois confus notamment eu égard à la jurisprudence européenne.
Quelque 62 pays dans le monde pénalisent l’homosexualité, dont 12 par la peine de mort. Même en l’absence de lois répressives, les personnes LGBTQ+ peuvent subir des persécutions sociales. L’article 1.A.2 de la Convention de 1951 sur les réfugiés précise que la crainte de persécution fondée sur l’appartenance à un groupe social, comme l’orientation sexuelle, justifie la reconnaissance du statut de réfugié.
En Suisse, la Loi sur l’asile (LAsi) ne définit pas clairement le groupe social déterminé, mais le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) considère que l’orientation sexuelle est un élément fondamental de l’identité. Malgré cela, la Suisse impose souvent un «devoir de discrétion» aux demandeurs d’asile, leur recommandant de mener une vie «discrète» et «raisonnable» pour éviter des persécutions après leur renvoi dans leur pays.
Ce concept va à l’encontre de la jurisprudence européenne qui a jugé que la possibilité de dissimuler et de restreindre l’expression de l’orientation sexuelle et/ou de l’identité de genre n’est pas pertinente dans l’examen de la persécution. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont toutes deux affirmé que l’orientation sexuelle est un aspect fondamental de l’identité d’une personne qui ne devrait pas être dissimulé.
Des exemples concrets illustrent les incohérences de la pratique suisse. Le cas de celui que nous appellerons Maxime, un homme persécuté pour son homosexualité, montre les défis auxquels font face les demandeurs d’asile qui doivent prouver leur orientation sexuelle. Maxime n’a pas pu fournir de preuves documentaires de sa persécution. Il est en effet rare qu’une personne homosexuelle annonce aux autorités la persécution dont elle fait l’objet pour la documenter officiellement, alors que ces autorités punissent l’homosexualité. Mais le SEM a rejeté la demande de Maxime, considérant son récit invraisemblable.
La Suisse a également été critiquée par des instances internationales comme la CEDH et le Comité de l’ONU contre la torture pour ne pas respecter le principe de non-refoulement, qui interdit de renvoyer une personne vers un pays où elle risque des persécutions. La Suisse devrait apporter des modifications significatives conformes au droit international dans le traitement de ces demandes d’asile, notamment en cessant d’accorder une place de choix au devoir de discrétion et en tenant compte de la pression psychologique insupportable causée par celui-ci.
* Responsable de la Coordination juridique thématique Asile-Dublin. (La Confédération a mandaté Caritas Suisse pour la représentation et le conseil juridiques en Suisse romande. Au Tessin et en Suisse centrale, ce mandat est mené en collaboration avec SOS Ticino.)