Agora

Néo-négationnisme

Revenant sur la polémique suscitée par les propos du président français Emmanuel Macron concernant Israël, Nicolas Rousseau met en garde contre le révisionnisme ceux «qui, en Israël et ailleurs, disent le combattre, mais qui ne veulent voir d’autres tragédies humaines que les leurs».
Proche-Orient

Concernant le Proche-Orient, quelle désinformation! C’est maintenant Macron qui s’en trouve victime, lui qui pourtant cherche toujours un équilibre entre les parties, quitte parfois à se contredire. Ses torts, aux yeux des dirigeants israéliens et de leurs soutiens en Occident? Il aurait affirmé que, sous l’angle de la politique libanaise, le Hezbollah reste un interlocuteur incontournable, que l’Etat d’Israël a été créé par l’ONU, que son gouvernement actuel défend la civilisation de façon barbare.

Le Hezbollah? Un mouvement islamiste recourant au terrorisme, nul ne le conteste. Mais rappelons que son apparition résulte de l’invasion israélienne du Liban en 1982, menée avec le soutien de milices chrétiennes. Face à cette atomisation de la nation libanaise, les minorités chiites du sud ont trouvé en lui un soutien, elles que le pouvoir central avait toujours négligées (elles comptent maintenant près de 40% de la population). Et jusqu’à aujourd’hui, il les protège, comblant un vide économique et social que les élites sunnites ou chrétiennes ont rarement rempli, occupées qu’elles ont toujours été par leur propre enrichissement (comme l’ex-président de la Banque du Liban, récemment inquiété pour corruption massive). Aujourd’hui au pays du Cèdre, tout le monde reconnaît qu’exclure totalement le Hezbollah du jeu politique risquerait de provoquer une nouvelle guerre civile, ce que d’ailleurs souhaiterait Israël, qui n’a cessé là-bas de diviser pour mieux régner.

Par ailleurs, tous les historiens sérieux le disent, c’est bien le plan de partage voté par l’ONU en 1947 qui de facto a créé l’Etat d’Israël, lequel s’est officialisé une année après, une fois la victoire assurée contre ses voisins arabes. Le sionisme? A ses débuts, en fin de XIXe siècle, il ne ralliait pas la majorité des communautés juives, beaucoup craignant qu’il compromette leur intégration.

Certains sionistes pensaient du reste s’installer plutôt en Amérique du Sud ou en Afrique. Et quand ils se sont rendus en Palestine, plusieurs ont même souhaité partager le pouvoir avec les Arabes vivant là depuis des décennies. La déclaration Balfour de 1917 sur un «foyer national juif»? Les Anglais ne l’ont établie que pour obtenir le soutien israélite contre l’Empire ottoman, et si la SDN (Société des Nations) l’a de fait reprise ensuite, eux se sont gardés de la concrétiser, refoulant même les émigrants qui fuyaient l’Europe de l’Holocauste après 1945.

Seuls le Hamas et le Hezbollah agiraient en barbares? L’Etat hébreu resterait le garant de la civilisation dans la région? Un avis que certains Israéliens contestent désormais, conscients que Netanyahou a lui-même aidé à l’essor et au financement de l’islamisme à Gaza. Et affamer une population, détruire son habitat, la priver de soins en bombardant ses hôpitaux, vider ses écoles, la forcer à fuir en tous sens dans un espace bouclé, voilà une politique qui dépasse jusqu’à la loi du talion puisque, stratégie assumée par Tsahal, il s’agit d’infliger à la population palestinienne des dommages complètement disproportionnés, censés la dissuader à jamais de riposter. Les barbares des temps anciens n’agissaient pas autrement, n’en déplaise à ces intellectuels qui, défendant Israël sans réserve, disqualifient l’humanisme dont ils se targuent.

Attention donc au révisionnisme, quelles que soient ses formes. Rappelons ainsi à la NZZ que, contrairement à ce que montre la carte de la région que ce journal publie1>NZZ am Sonntag du 20 octobre, p.s3. ces jours, le plateau du Golan n’appartient pas à Israël, la communauté internationale n’ayant jamais reconnu cette annexion, sauf Trump, ce falsificateur qui admire tant les dictateurs.

En ce qu’il conteste l’ampleur et l’horreur de la Shoah, le négationnisme s’avère haïssable et tombe sous le coup de la loi. A vouloir nier ou même relativiser des réalités historiques et les atrocités qui les ont accompagnées, il anesthésie notre sens critique et banalise le mal, voilà aussi ce que devraient se rappeler ceux qui, en Israël et ailleurs, disent le combattre sans transiger, mais qui ne veulent voir d’autres tragédies humaines que les leurs.

Notes[+]

Nicolas Rousseau est essayiste et écrivain, de Boudry (NE).

Opinions Agora Nicolas Rousseau Proche-Orient

Connexion