Le mot des traducteur·trice

Traduire Massimo Daviddi demande de trouver le ton «juste» pour une simplicité toute apparente, selon Lou Lepori et Mathilde Vischer. Leur traduction paraîtra en mars 2025 aux Editions La Veilleuse.
Les mentors 2
Mathilde Vischer

Le Visage de Pasolini de Massimo Daviddi est structuré en six sections et se présente sous la forme de courts poèmes en prose. Dans un article publié dans Viceversa Littérature en mai 2023, Marica Iannuzzi évoque les particularités de cette écriture, qui s’ancre dans un monde immédiat, des situations communes, où des personnages anonymes, des animaux, des végétaux se côtoient. Le poète observe et décrit, à travers un spectre sensoriel qui accueille les sons, les silences, les images, le monde qui l’entoure, les événements minimes et les incertitudes. Pas d’effets de style dans ces textes qui racontent un univers à la fois commun et complexe, dans un langage sans aspérités ni obscurité. Il y a pourtant des difficultés d’approche, culturelles et textuelles, pour les traductrices.

D’un point de vue historique, la littérature italienne dispose de très peu d’exemples de poèmes en prose ou de proses poétiques: même après l’introduction du vers libre au XIXe siècle, la versification et le lyrisme restent prédominants dans la poésie de la Péninsule. Par rapport à la tradition italienne, le choix de Daviddi est donc innovant: le ton se veut descriptif et «modeste» (s’attardant à saisir «la vie dans un bref instant de vie», écrit-il); on y perçoit l’ombre d’Umberto Saba, qui demandait à la poésie d’être juste «honnête». La tension lyrique est obtenue par un jeu subtil de déplacements sémantiques, d’allitérations et d’ellipses, créant souvent une incertitude syntactique. La traduction en français de ces vers paisibles et profonds demande beaucoup de finesse et nous offre un défi passionnant: trouver le ton «juste» pour une simplicité tout apparente.

Lou Lepori et Mathilde Vischer

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