La péninsule des hideux rictus
«Je suis une femme, une mère, une italienne, une chrétienne, vous ne me l’enlèverez pas!» Lorsqu’elle harangue ses troupes le 19 octobre 2019 à Rome, lors d’un meeting de la «Fierté italienne», Giorgia Meloni envoie un message clair. Reçu cinq sur cinq par les partisan·es d’un retour à l’ordre social «naturel». L’écho au slogan vichyste «travail, famille, patrie» n’aura pas perturbé la patronne de Fratelli d’Italia, galvanisée par son irrésistible ascension.
Depuis son accession au pouvoir en octobre 2022, Giorgia Meloni a entrepris de développer son projet réactionnaire sur tous les fronts, économique, stratégique, social et sociétal. Avec une habileté indéniable, elle a su rassurer les marchés, affichant sa discipline budgétaire ultralibérale en taillant dans les budgets sociaux. Elle a mis les principaux décideur·euses politiques dans sa poche, à commencer par le locataire de la Maison Blanche, Joe Biden, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
A l’international, Giorgia Meloni s’affiche comme un pion indéfectible de l’Otan, approuvant le soutien militaire à l’Ukraine, ne pipant mot sur l’annihilation de Gaza par Israël, et œuvrant à une présence accrue de l’Alliance atlantique dans la péninsule. Sur le front migratoire, l’Italie, déjà ultra répressive, a franchi un pallier supplémentaire en externalisant sa politique migratoire en Albanie – un accord retoqué par la justice italienne, déclenchant l’ire de la présidente du Conseil qui compte bien sauver sa mesure phare.
Tout cela ferait presque oublier la bataille culturelle que mène Giorgia Meloni dans la péninsule. Cette promesse populiste «antiwoke» qui vise les familles homoparentales, mais aussi les luttes sociales et la liberté de la presse. Les mesures cumulées font froid dans le dos. Associées à une réécriture de l’histoire sous le prisme ultranationaliste, elles augurent de sombres jours pour la société civile et ses secteurs les plus exposés (LGBTIQ+, artistes, sans-papiers, sous-prolétariat). Face à cette dérive, les sourires des Biden et von der Leyen apparaissent comme les hideux rictus d’une bourgeoisie sourde aux alertes du fascisme qui vient, voire pire, complice.
L’espoir est à chercher du côté des forces associatives et solidaires, qui tentent de faire barrage. Elles ont formé d’impressionnants cortèges en soutien à la Palestine et se mobilisent pour protéger les droits en péril. Sont-elles le socle d’un renouveau de la gauche italienne?