L’appel de la raison
La voix de la raison sera-t-elle enfin entendue? Une lettre ouverte signée par des personnalités suisses a été adressée au Conseil des Etats pour lui demander de défendre l’UNRWA, l’organisme onusien chargé d’apporter l’aide d’urgence aux 5 millions de Palestinien·nes déplacé·es. Une missive, révélée jeudi par Le Temps et Blick, signée notamment par Carla del Ponte, ancienne procureure générale de la Confédération, Yves Daccord, ancien directeur du CICR, ou l’ancien diplomate Jacques de Wattewill. En Suisse romande, l’appel est coordonné par Nago Humbert, fondateur de Médecins du monde Suisse.
Rappelons que le 9 septembre dernier, le Conseil national a voté par 99 voix contre 88 et 7 abstentions une proposition de l’UDC exigeant de couper les vivres à l’UNRWA. Cette agence étant pourtant la seule en mesure d’apporter l’aide indispensable aux Palestinien·nes. Une coupe votée contre l’avis de la commission compétente et du Conseil fédéral. La Chambre haute est maintenant saisie du dossier. Elle se réunira en commission des affaires étrangères le 24 octobre, d’où la missive diffusée jeudi qui exhorte les sénateurs à rectifier le tir.
Les attaques contre l’UNRWA sont orchestrées par Israël qui honnit cette agence, car elle ancre dans le système onusien le droit au retour des Palestinien·nes. Après le massacre du 7 octobre 2023, l’Etat hébreu avait accusé l’agence de complicité avec le Hamas, Des accusations invalidées par une enquête indépendante présidée par l’ancienne ministre française des affaires étrangères, Catherine Colonna.
L’obstination suisse à se cramponner au narratif mensonger du gouvernement israélien équivaut à un alignement servile sur cette politique de guerre qui embrase désormais toute la région dans une fuite en avant meurtrière et périlleuse.
Au-delà de l’UNRWA, c’est maintenant l’ONU qui est dans le collimateur du gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahou. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a même été décrété persona non grata en Israël… L’édifice du droit international est ébranlé.
Quelque 1,8 million de Gazaoui-es souffrent de niveaux élevés d’insécurité alimentaire, selon l’ONU. Une famine orchestrée, selon Philippe Lazzarini, le directeur de l’UNRWA. Ce qui est l’un des éléments pouvant entrer – il a été pris en compte dans d’autres crimes contre l’humanité – dans la définition de la réalité d’un génocide.
Si la Suisse devait continuer à participer à cette horreur, elle pourrait bien devoir en être comptable un jour. Le Conseil des Etats sera-t-il à la hauteur?