Vers l’éradication de la bronchiolite?
La bronchiolite est cette infection respiratoire virale due au RSV (virus respiratoire syncytial), extrêmement contagieuse, et qui, chez le petit enfant, avec sa difficulté respiratoire et sa respiration sifflante, ressemble à de l’asthme. Elle est saisonnière mais souvent plus virulente une année sur deux, débute en général à l’automne, avec un pic survenant plutôt en janvier-février. Cette infection est une cause régulière de surcharge des cabinets médicaux et des services pédiatriques hospitaliers, y compris des soins intensifs – davantage que la grippe.
La contagion intra-hospitalière, malgré les mesures d’isolement prises, ne peut être totalement évitée, surtout si les deux tiers des patient·es sont hospitalisé·es pour cela et que le service a plus de patient·es que de lits attribués (ce qui arrive presque chaque année au moment du pic). Il n’existe cependant pas de traitement causal; les soignant·es sont donc condamné·es à poser des mesures de soutien en attendant la guérison. Il n’est pas rare que ces enfants s’épuisent, ne réussissent plus à s’alimenter. Celles et ceux qui l’ont vécue, comme parents ou soignants, savent combien l’épreuve est dure de voir de tout petits bébés employer toute leur énergie juste pour respirer.
Historiquement que n’a-t-on pas tenté en tant que soignant·es pour les soulager. Sans grand succès. Si ce n’est la conviction que, comme toute infection virale, la maladie est autolimitée, donc que les défenses immunitaires de l’enfant vont finalement gagner… Ce qui est presque toujours le cas, pour autant que l’on ait des soins intensifs à disposition de ceux les plus gravement atteints.
Depuis de nombreuses années, on nous promet un vaccin pour prévenir les infections à RSV, qui serait au moins aussi important pour la pédiatrie que celui de la grippe pour les seniors. Rien qu’en Suisse, quelque 3000 bébés (soit 3% à 4% des enfants de moins d’un an) doivent chaque année faire un séjour hospitalier de quelques jours à cause du RSV.
Or, depuis début octobre, une prévention par anticorps (le nirsévimab) en une seule dose est disponible en Suisse1www.bag.admin.ch/bag/fr/home/krankheiten/krankheiten-im-ueberblick/rsv.html, proposée en maternité et remboursée par la LAMal. Elle assure une protection très rapide et d’une durée d’au moins six mois. Elle peut être aussi faite chez le pédiatre pour les bébés de moins d’un an, ce qui devrait permettre, d’une part, d’éviter la contamination dans les crèches et, d’autre part, de limiter (d’au moins de 80% en principe) le risque de contracter la maladie, donc d’un séjour hospitalier.
Ce médicament – qui n’est pas un vaccin – est déjà largement utilisé en Europe et aux Etats-Unis depuis une année. Pour les enfants fragiles, il faudra répéter les prises en attendant l’homologation d’un vaccin applicable aux enfants, actuellement en phase d’essai, qui ne sera pas disponible avant au moins troisans. Il existe aussi un vaccin contre le VRS destiné aux femmes enceintes pour protéger leurs nouveau-nés. En cours d’homologation en Suisse et déjà autorisé en Europe, il viendra consolider la prévention de cette maladie.
On ne peut, en tant que médecin, que se réjouir de ces avancées et espérer que les parents en comprennent la portée réelle pour la croissance en santé de leur enfant, et la chance qu’ils ont que notre système de santé puisse financer collectivement le nirsévimab déjà sur le marché, malgré un prix avoisinant 400 francs la dose unique. Que de préoccupations en moins aussi pour mes collègues hospitaliers!
Ceci dit, de là à penser qu’une stratégie mondiale d’éradication de la bronchiolite – qui fait des ravages immenses dans les pays les plus pauvres – se mettra en place rapidement, il faut hélas admettre que de nombreux blocages persistent, comme souvent. Un effort concerté de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des producteurs du nirsévimab ou des vaccins en cours doit être exigé. Un article intéressant2Heather J Zara et al.,«Access to highly effective long-acting RSV-monoclonal antibodies for children in LMICs – reducing global inequity», 24.07.2024, https://doi.org/10.1016/S2214-109X(24)00258-4 en parlait récemment. Il rappelait la lutte intense qui a prévalu pour rendre les traitements rétroviraux (contre le VIH) accessibles financièrement à tou·te·s via leur fabrication sous licence dite obligatoire, en invoquant la primauté de santé publique sur la liberté de commerce – une clause prévue par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
L’article en question affirme que, les coûts de production du nirsévimab n’excédant pas 10 dollars la dose, il devrait y avoir une marge de négociation avec le producteur pour en diminuer le prix d’au moins un facteur 10, d’autant que le marché augmenterait alors grandement! Et, rappelant que plus de 95% des décès dus au RSV surviennent dans les pays les plus pauvres, deux fois sur trois sans que les patient·es aient eu l’opportunité d’être hospitalisé·es, de conclure que seules des mesures préventives permettront de sauver ces enfants.
Notes
* Pédiatre FMH, conseiller communal à Aigle.