Gaza: «Ne pas tirer sur l’ambulance»
Le génocide mené dans la bande de Gaza par l’armée israélienne, tout comme ses bombardements et ses tentatives d’invasion terrestre au Liban, de même que les innombrables abus de l’armée d’occupation au côté des colons en Cisjordanie et à Jérusalem, s’accompagnent d’un important dispositif de propagande.
Ce dispositif discursif vise à installer dans la conscience collective l’évidence d’une guerre de civilisation occidentale dont Israël serait un avant-poste dans le monde arabe. Ce faisant, le régime israélien cherche à neutraliser l’indignation et à obtenir au moins un consentement passif face aux pires crimes de guerre. Les récentes publications de la CICAD dans la Tribune de Genève et Le Courrier semblent participer de cette stratégie, ce qui ne manque pas d’inquiéter, vu l’omniprésence de ce groupe dans les médias et les écoles.
La CICAD prétend lutter contre l’antisémitisme, mais ses prises de position du 4 octobre 2024 montrent qu’elle préfère s’acharner sur les voix qui dénoncent les massacres contre les peuples palestiniens et libanais. Sa cible: les militants et militantes antisionistes de toutes les confessions, musulmans, chrétiens, juifs ou athées, qui manifestent contre le régime en place en Israël et appellent les universités à couper les liens avec les institutions et entreprises complices de l’oppression.
La CICAD répand dans les pages des médias genevois des raccourcis et fait des procès d’intention. Partager l’aspiration des Palestiniens à jouir de la liberté et de l’égalité entre le Jourdain et la Méditerranée serait un appel à éradiquer Israël? La CICAD sait bien pourtant que depuis 1948, c’est le peuple palestinien qui subit déplacements forcés et nettoyages ethniques. Dénoncer l’Etat israélien en tant que régime d’apartheid, colonialiste et raciste serait une accusation antisémite? La CICAD n’ignore pas pourtant que la Cour internationale de justice de l’ONU reconnaît en ces termes les politiques israéliennes de ségrégation.
Que ce soit clair. La lutte contre la haine des juifs est fondamentale, notamment chez nous, en Europe, où elle a servi de levier à tant d’horreurs de la fin du XVe siècle jusqu’aux temps modernes. Il importe de rester ferme contre toute forme de racisme, y compris l’antisémitisme, mais accuser les militants et militantes qui dénoncent les massacres de créer un «climat délétère» hostile aux juifs est un raccourci inacceptable. Ce raisonnement n’est pas sérieux et tirer sur l’ambulance ne fait pas avancer la cause.
Réduire au silence l’indignation sur les crimes israéliens en Palestine et au Liban en agitant l’anathème de l’antisémitisme est un jeu malsain. Au contraire, la lutte contre l’antisémitisme est plus forte si elle n’est pas instrumentalisée, si nous refusons de nous laisser prendre en otage par la stratégie de Netanyahu, de ses ministres et de ses ambassadeurs d’embarquer le monde entier dans la justification de leur entreprise détestable contre le peuple palestinien. Les luttes contre le racisme antisémite et toutes les formes de racisme méritent plus et mieux que d’être manipulées au profit du régime israélien.
Si la CICAD veut être prise au sérieux dans ses campagnes contre l’antisémitisme, elle serait bien avisée de ne pas entretenir la confusion avec la «défense de l’image d’Israël», cette mission qu’elle affichait il y a peu encore sur son site internet, et dont elle a manifestement du mal à se départir1Internet Archive. CICAD, Manuels pédagogiques, archive du 6 janvier 2019. Les autorités genevoises, en particulier le Département de l’instruction publique, ainsi que les médias devraient clairement expliquer à la CICAD que si elle veut être crédible dans sa pédagogie, elle doit lever toute ambiguïté sur son rapport à une puissance étrangère sous enquête pour génocide.
Notes