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OGM: «Il est temps de lever le moratoire»

Le moratoire qui interdit la culture commerciale des organismes génétiquement modifiés (OGM) en Suisse arrivera à son terme fin 2025. Avançant l’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire mondiale, le professeur Jean-David Rochaix plaide pour un feu vert aux nouvelles techniques génomiques (NGT), au moment où une initiative populaire combat leur homologation.(1)  
Suisse

Un défi majeur pour le XXIe siècle sera de nourrir une population mondiale croissante avec une agriculture durable sous plusieurs contraintes: changements climatiques tels que la hausse des températures, la sécheresse, la pénurie d’eau, la diminution des terres arables, la perte de 75% de la biodiversité agricole au cours des cinquante dernières années et l’apparition de nouvelles maladies. En bref il faudra produire plus avec moins de ressources.

Un débat vif est en train de s’installer au sujet du maintien ou non du moratoire contre l’utilisation des plantes transgéniques pour l’agriculture en Suisse. Depuis l’instauration de ce moratoire en 2005, la technologie des OGM (organismes génétiquement modifiés) a considérablement évolué et s’est affinée. Grâce notamment aux nouvelles techniques génétiques (NTG), en particulier le procédé CRISPR-Cas, il est possible d’utiliser des ciseaux moléculaires pour modifier des gènes spécifiques d’une plante de manière ciblée sans laisser de traces de matériel génétique étranger. Cela signifie qu’il est impossible de distinguer une plante produite par ces NTG d’une plante normale issue de la sélection classique.

Prenons l’exemple de pommiers dont la culture nécessite de nombreux traitements avec des agents phytosanitaires toxiques. Un moyen plus écologique pour protéger ces pommiers est de recourir à un pommier sauvage portant un gène qui confère la résistance au pathogène et d’insérer ce gène dans des pommiers destinés à la consommation. L’approche classique consiste à croiser le pommier sauvage avec un pommier de grande culture pour lui transmettre le gène de résistance. Or pour obtenir un pommier qui possède tous les attributs désirés tels que taille, texture, goût, il faut procéder à de nombreux rétro-croisements qui s’étalent sur de nombreuses années. L’avantage des NTG est qu’elles permettent relativement rapidement de remplacer le gène sensible par le gène résistant. Avec l’obtention de tels arbres fruitiers, il est possible de diminuer le nombre de traitements aux pesticides/fongicides et de réduire ainsi la pollution des sols et de l’eau. Dans ces deux cas, voie classique et voie NTG, les pommiers obtenus sont indistinguables au niveau génétique. La seule différence est que, dans le cas des NTG, on a eu recours à l’ingénierie génétique.

Un autre exemple prometteur concerne la tolérance des plantes à la sécheresse et au manque d’eau. Il a été possible de démontrer en laboratoire qu’en modifiant des gènes particuliers, cette tolérance peut être sensiblement augmentée. Ces exemples montrent que l’utilisation judicieuse des NTG s’inscrit dans un effort pour créer une agriculture plus respectueuse de l’environnement et pour la rendre plus résiliente face aux aléas climatiques.

Pour atteindre ce but, il est essentiel d’utiliser tous les moyens possibles, y compris les NTG. Il est temps d’agir maintenant et de lever le moratoire état donné que les changements climatiques vont probablement s’aggraver dans un avenir proche. Certes les NTG ne vont pas résoudre tous les problèmes liés à l’alimentation de la population mondiale, mais ils constituent un outil très performant. S’il est utilisé de manière intelligente, responsable et prudente, il représente un atout dont il serait regrettable de se priver.

* Professeur honoraire de l’Université de Genève.

(1) P. Castella, «OGM au menu politique», Le Courrier du 4 septembre 2024.

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