De l’art de l’incohérence
Samedi, gare Cornavin, je lève les yeux… impossible de ne pas remarquer les immenses affiches publicitaires de Swiss qui surplombent le quai des voies 5 et 6 sur lequel je me trouve. Une campagne de pub pour une compagnie aérienne sur le quai d’une gare? Passé l’effet de surprise, j’hésite entre y voir cynisme, inconscience ou provocation. Colère.
Nul besoin de rappeler l’impact de l’aviation sur le réchauffement climatique. Par contre, se pourrait-il que notre société soit passée championne toutes catégories de l’incohérence? Nous voilà tiraillés entre une injonction à réduire, voire renoncer à l’avion, et un matraquage publicitaire, autorisé au nom de la liberté économique, qui nous incite à y revenir. Dilemme: l’aviation est un secteur très émetteur de GES, mais vous qui avez choisi aujourd’hui le train, «vous souvenez-vous de cette sensation de légèreté lors de votre premier vol?». Débrouillez-vous avec ça.
Je ne peux m’empêcher de penser qu’une législation qui permet d’aboutir à la cohabitation de discours aussi contradictoires est parfaite pour brouiller le message que nous envoyons à nos jeunes. On nous dit ensuite qu’ils souffrent d’éco-anxiété ou ne se sentent pas concernés par l’urgence climatique. Quelle surprise!
C’est un peu comme si on leur répétait à l’envi que nous devons réduire drastiquement le recours aux transports individuels motorisés, mais qu’ils apprenaient en même temps qu’un projet d’élargissement des autoroutes estimé à 5,3 milliards étaient en cours. Impensable, non? Bon, visiblement pas, mais totalement incohérent.
Parenthèse autoroutes fermée, je rappellerai simplement que la Ville de La Haye a décidé d’interdire la publicité pour les compagnies aériennes, les croisières et les voitures à essence en raison de la responsabilité des énergies fossiles sur les changements climatiques. A méditer concernant la force de certains choix politiques pour proposer un discours cohérent.
Sophie Coulet, Genève