Naufrage de l’humanité
Les jours, les semaines, les mois passent et rien n’y fait. Ni les appels au cessez-le-feu, ni les mobilisations de la société civile, ni les injonctions de la justice internationale. Le calvaire de la population gazaouie ne connaît aucun répit. Israël, au lendemain de l’assaut du 7 octobre par le Hamas – lors duquel ont été commis des crimes de guerre –, a déchaîné les feux de l’enfer sur la population de la petite bande côtière. Avec une violence indiscriminée. Et l’assentiment des puissances occidentales, en particulier des Etats-Unis, pourvoyeurs des bombes qui s’abattent sur les habitations, les hôpitaux, les écoles, les camps de tentes où se massent des civil·es palestinien·nes dépossédé·es de tout – jusqu’à la qualification d’êtres humains.
L’histoire nous jugera. Les générations futures, à n’en pas douter, se demanderont comment une telle catastrophe a pu se produire, en direct et avec une médiatisation sans précédent. On peut penser que la justice internationale qualifiera de génocide le martyre de Gaza, son effacement programmé.
Pour l’heure, il nous faut constater la toute-puissance du bellicisme et de la haine. Non seulement le sort des otages n’est pas la priorité de Benjamin Netanyahou et de ses alliés suprémacistes, mais l’impunité et le jusqu’au-boutisme auquel le chaperon étasunien ne met aucun frein entraînent désormais le Liban dans une spirale infernale. A haut risque pour l’ensemble du Proche-Orient.
Le 7 octobre 2023, jour funeste pour les civil·es israélien·nes massacré·es ou capturé·es, s’est inscrit dans une histoire longue. Celle de plus de septante-cinq ans de dépossession, de colonisation et de massacres de la population palestinienne. Nous faisons le récit de cette journée, entre faits et falsifications. Nous rendons compte de la situation sur place, en publiant le témoignage bouleversant d’un couple gazaoui réfugié en Suisse et celui, effroyable, d’une médecin de retour de Gaza. Des personnes racontent aussi leur engagement inspirant, dans le mouvement d’occupation des campus romands ou pour faire entendre des voix juives antiracistes et décoloniales.
Le Courrier revient également sur les débats qui font rage aux Chambres fédérales et prend acte d’une différence culturelle au sein des médias suisses, par quelques échos recueillis au sein de rédactions alémaniques. Enfin, dans ce dossier spécial, l’anthropologue-sociologue Didier Fassin dresse un constat sans appel: celui d’une abdication historique, «le consentement à l’écrasement de Gaza».