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«Renoncez à votre restructuration»

Dans une lettre ouverte, Dominique Diserens, ex-secrétaire centrale du syndicat Impressum, s’adresse à l’éditeur Tamedia.
Presse

La restructuration en cours de Tamedia saigne à blanc les rédactions. Le coup de massue est particulièrement brutal en Suisse romande. Vous, Tamedia, avez prévu de réunir en une seule rédaction 24 heures, Tribune de Genève, Matin Dimanche et Femina, chapeautée par l’actuel rédacteur en chef de 24 heures. Femina, qui a toujours été depuis ses débuts hebdomadaire, deviendrait mensuel. C’est une perte sèche en diversité et en couverture d’informations. Quarante postes seraient touchés, vingt-cinq postes à temps complet seraient supprimés. Plus, proportionnellement, qu’en Suisse alémanique. La consultation auprès des rédactions et de la Coordination des rédactions est en cours. On savait la presse en difficulté mais on n’aurait pas imaginé un tel assaut contre la presse romande et la presse tout court. En parallèle, la RTS va réduire la voilure à hauteur de 50 millions en 2025 et 65 millions de plus en 2026. La suppression de cinquante-cinq postes entraînera jusqu’à trente licenciements. Les médias de la Suisse romande fondraient avec ces deux attaques frontales contre l’emploi.

Comment vous, Tamedia, avec de si petites rédactions, allez-vous assurer un journalisme de qualité et la couverture en informations locales et régionales? Vous n’accordez pas le même poids à la Tribune de Genève qu’à 24 heures; la perte de l’information à Genève sera encore plus importante que dans le canton de Vaud. Réunir en une seule rédaction 24 heures,Tribune de Genève, Matin Dimanche, Femina, c’est faire fi des particularités régionales et thématiques. Pour Femina, c’est le seul journal féminin existant en Suisse romande. Trois semaines sur quatre, il n’existerait plus. C’est pour toutes ces raisons porter un coup fort à la diversité du journalisme en Suisse romande.

Renoncez à cette restructuration. Investissez dans le journalisme, dans les rédactions. Comblez les pertes des restructurations précédentes. Ne mettez plus de journalistes à la porte durant au moins cinq ans. C’est là votre responsabilité sociale et culturelle. Prenez l’argent des petites annonces qui allaient avant dans les journaux pour investir enfin dans les rédactions. Attendez les droits voisins qui vont arriver en Suisse aussi1Un avant-projet de révision du droit d’auteur (LDA) prévoit que les grands services en ligne rémunèrent les éditeurs et les journalistes pour l’utilisation de leurs prestations journalistiques, ndlr.. Voyez avec les opérateurs d’intelligence artificielle combien ils rémunéreraient les articles pour les prendre afin d’alimenter leurs robots. Dans les cinq prochaines années, ces deux mannes devraient tomber en Suisse. Des millions sont attendus là. On comprend mal comment un groupe si doté ne peut pas attendre encore un peu. Il y a les aides d’Etat, notamment fédérales, qui peuvent compter aussi dans l’avenir. Que les autorités et les parlementaires prennent leur responsabilité également, aussi à l’égard des autres médias.

Vous, Tamedia, jouez un rôle primordial dans la presse romande et dans la presse en général, vos actes ont valeur d’exemple pour les autres éditeurs. Croyez dans le journalisme de demain, investissez dans les rédactions. La démocratie et la diversité y seront gagnantes. Et votre groupe y gagnera aussi.

Notes[+]

* Docteure en droit, ex-secrétaire centrale d’Impressum – Les journalistes suisses.

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