Lamal ou machine à la Tinguely
C’est l’automne, et comme chaque année, les hausses de primes maladie se ramassent à la pelle. Elles étaient de 8,7% pour 2024; elles seront de 6% pour 2025. Et comme chaque année, on entend le chœur de pleureuses, mais rien ne change.
Des pans entiers de la population se retrouveront poussés sous le seuil de pauvreté ou vers des fins de mois encore plus difficiles en raison du bateau ivre qu’est devenue la Lamal (loi sur l’assurance-maladie).
En 1994, lorsque l’actuel dispositif a été voté par le peuple, la conseillère fédérale Ruth Dreifuss invitait les Suissesses et les Suisses à faire leur shopping en la matière. En faisant jouer la concurrence entre les caisses, les coûts étaient censés être régulés par la main invisible du marché. Trente ans plus tard, le chaland ressemble de plus au plus à l’ouvrier qui se promènerait à la rue du Rhône (où à la Bahnhofstrasse) en regardant des marchandises aux prix stratosphériques et hors de son pouvoir d’achat.
Comme chaque année, les mêmes solutions pour pallier la crise sont remises sur le devant de la scène: sortir le quatrième âge du système – ce sont les dernières années de vie qui coûtent très cher –, ou plafonner à 10% du revenu la charge des primes maladie, comme le pratique le canton de Vaud. Une solution qui a ses mérites sur le plan social, mais qui représente aussi un report de charge sur les cantons…
Au-delà de l’impact du renchérissement ou du vieillissement démographique, la concurrence que se mènent les caisses a aussi un coût. Un manque crasse de transparence dans les chiffres, une déperdition au niveau des frais de gestion et de publicité et une usine à gaz au niveau des assurances complémentaires. Cerise sur le gâteau, un conflit ouvert entre les caisses et certaines cliniques privées bloque désormais à Genève l’accès à des prestations pour lesquelles ces assuré·es avaient mis la main au porte-monnaie.
Le déséquilibre est structurel: en bonne logique de marchés, un système où l’offre est privatisée et la demande socialisée peine à fonctionner. Les faits sont têtus: il faudra bien renverser la table. Revenir avec le principe de primes maladie proportionnelles au revenu, comme le proposait une initiative votée en même temps que la Lamal mais lâchée alors par ses auteur·rices. Et on ne fera pas l’économie de la caisse unique. Bref, une sécu à la Suisse. Tout le reste risque de n’être qu’un moyen de gagner du temps pour faire perdurer une machine à la Tinguely dont le mode d’emploi s’est perdu en route.