La débâcle de notre démocratie directe
Empêcher la fraude de la récolte de signatures pour les initiatives et référendums au moyen de la récolte électronique, telle est la proposition d’un «pionnier de l’e-collecting», Daniel Graf, publiée le 19 septembre dans Le Courrier. Apparemment sa solution pourrait doper la récolte de signature, éviter un travail fastidieux et coûteux de vérification et renforcer la sécurité. Un beau programme de vendeur dit de «démocratie directe».
Pourtant cette solution n’affronte nullement le problème de l’attaque en règle des fondements de la stabilité de la Suisse, soit la rencontre de nos politiciens·nes devant les locaux de vote qui permet aux citoyens de les interpeller, débattre et être au contact de ces êtres humains. Quant à nos élus, les échanges avec une population aux profils divers les forment à mieux entendre et comprendre les soucis de celle-ci.
De plus, cette mise à distance numérique (voir médiatique) participe à l’isolement de l’individu et l’éloigne du débat formateur de consensus et d’apaisement politique, les Etats-Unis en sont un très bon exemple.
Finalement, au lieu d’interdire simplement la récolte rémunérée de signatures permettant à certains partis ou associations de ne pas faire le travail de terrain et de démontrer par le succès ou l’insuccès de la récolte leur capacité à mobiliser ou non, le fondateur d’un miroir aux alouettes «pour la démocratie directe» aboutit au raisonnement – ô combien rémunérateur! –pour les GAFA et les informaticiens: la récolte des signatures dans la rue est coûteuse, il faut passer par e-collecting!
Bref, passer d’un risque systémique avéré à un autre bien pire, sans oublier les risques d’espionnage, synonyme de débâcle de notre démocratie directe.
Séverin Brocher,
Genève