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Genève a besoin d’une formation en béton

Valérie Délez Emery invite les citoyen·nes à refuser la modification de la loi sur l’instruction publique (LIP).
Votation cantonale genevoise

Le 2 février 2024, les députés genevois ont adopté une loi déposée en 2016 par Jean Romain Putallaz, député PLR, ancien enseignant de philosophie au Collège Rousseau, qui n’a eu de cesse de critiquer ouvertement l’école primaire pendant de nombreuses années et de s’opposer à tout projet de réforme.

Après des années de débats en commission, la loi a finalement été votée en 2024 par un parlement à 70% recomposé. La majorité des députés a voté lors d’une soirée d’échanges sur des informations anciennes, certaines déjà obsolètes, contenues dans le rapport initial de 150 pages, Certains n’en avaient, semble-t-il, même pas pris connaissance.

En suivant les débats, j’ai été abasourdie par certaines allégations ne correspondant pas à la réalité du terrain.

En 1996, l’ancienne cheffe PLR du DIP avait plébiscité une formation universitaire en quatre ans en fermant les Etudes pédagogiques (formation en trois ans). En 2024, la nouvelle cheffe PLR du DIP a décidé de revenir trente ans en arrière en argumentant pour la baisse de la formation de quatre à trois ans et créer ainsi une structure de type HEP.

A l’université, la formation généraliste forme à l’enseignement de la 1P à la 8P et offre plus de 40% de temps de stages. Elle permet de passer d’un degré et d’un cycle à l’autre, de devenir maître d’appui multidegrés, d’avoir le fameux double-degré 4P-5P, et de stabiliser ainsi les équipes, car si une classe ferme chez les petits mais ouvre chez les grands, le ou la collègue peut rester dans l’école. Elle permet aussi d’avoir une grande souplesse avec les horaires des élèves qui sont presque exclusivement avec un seul enseignant et d’ainsi pouvoir mieux aider les élèves en difficulté.

En HEP, les étudiants doivent choisir (suivant les cantons) de se spécialiser soit en 1P-4P ou en 5P-8P, soit de se spécialiser dans certaines disciplines.

Il y a donc moins de flexibilité dans les écoles, moins de stabilité dans les équipes. S’il y a plus d’intervenants dans une classe, il y aura moins de souplesse pour aider les élèves en difficulté, car s’il y a plusieurs enseignants comme au cycle, les horaires des élèves seront cloisonnés. La formation généraliste de l’université est garante d’une meilleure connaissance de toutes les didactiques et des programmes de chaque degré d’enseignement.

La droite fait des promesses sur la formation continue, mais année après année elle ne vote pas les budgets du DIP. Après avoir perdu les deux jours de formation continue individuelle, il reste aux écoles deux jours de formation continue collective sur temps scolaire. Il faudrait près de quatre-vingts ans pour acquérir les cent soixante jours minimum d’un an d’uni.

La formation continue est essentiellement à la charge du canton, contrairement à une formation initiale universitaire qui bénéficie de subventions fédérales.

Genève est un canton-ville où les soucis socio-économiques sont en augmentation et touchent de nombreuses familles, donc l’école. Il y a de plus en plus d’élèves à besoins particuliers tels les élèves allophones, multi-DYS, TDA(H), TSA. Cette grande hétérogénéité oblige les enseignants à individualiser les parcours. Ces élèves «singuliers» existent dans les villes des cantons alentour, cependant ils sont proportionnellement plus nombreux à Genève où les effectifs de classe sont en plus parmi les plus élevés de Suisse. Genève a besoin d’une formation béton en quatre ans qui peut bien sûr être améliorée, mais certainement pas en l’amputant d’une année.

Valérie Délez Emery, enseignante primaire à Genève, Thônex

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