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Il est temps d’augmenter les salaires!

En Suisse, les salaires réels, c’est-à-dire après déduction du renchérissement, ne cessent de baisser. Pour Agostino Soldini, secrétaire central du Syndicat des services publics (SSP), «il est urgent de changer de cap».
Travail

Depuis que l’inflation est repartie à la hausse (fin de l’année 2020), l’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 7,5% (chiffre pour août 2024). Comme chacun·e le sait, les salaires n’ont pas suivi la même courbe. Il en découle que notre pouvoir d’achat ne cesse de baisser. Ainsi, entre 2020 et 2023, d’après l’Office fédéral de la statistique (OFS), les salaires réels ont diminué de 3,1%.

Trois années de suite de baisse des salaires réels, c’est du jamais vu depuis la Deuxième Guerre mondiale! En réalité, la diminution est encore plus significative. L’IPC sous-estime en effet fortement l’évolution réelle du coût de la vie. Il est tout aussi fondé que les projections en matière d’AVS de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), répétées comme un mantra par Alain Berset pour faire passer la hausse de l’âge de la retraite des femmes… Il suffit de rappeler qu’en l’espace de treize mois – entre décembre 2022 et janvier 2024 –, les primes maladie ont augmenté de près de 15% en moyenne nationale.

Contrairement à ce que prétend la propagande des officines néolibérales, dans le secteur public, la situation n’est guère meilleure que dans le privé. L’exemple vaudois l’atteste. L’Office des statistiques de ce canton indique qu’«au cours de la période 2020-2022 (…), dans le secteur public, le salaire réel a baissé de 4,3%» (Numerus 4/juin 2024). A quelques exceptions près, l’évolution dans les autres collectivités publiques est similaire. Pourtant, ces trois dernières années, le total cumulé des excédents réalisés par les cantons est de l’ordre de 8,4 milliards de francs!

Aucune dynamique de rattrapage des pertes salariales imposées aux travailleur·euses ne se profile toutefois. Ainsi, au premier trimestre 2024, les salaires nominaux n’ont augmenté, en Suisse, que de 0,6%, ce qui est, à nouveau, largement inférieur à la hausse de l’IPC (+1,2% en août 2024). En revanche, «les Allemands (…) ont obtenu les plus fortes augmentations depuis seize ans!» (24 Heures, 1er juin 2024). Et pour cause! «Jamais l’Allemagne n’avait été confrontée à autant de grèves depuis les années 90, notamment dans les transports et les services publics» (Ibid.). Résultat des courses: les salaires nominaux y ont progressé de +6,4% (salaires réels: +3,8%), soit dix fois plus qu’en Suisse (+0,6%)!

Cette différence majeure entre la Suisse et l’Allemagne ne tombe évidemment pas du ciel. L’évolution des salaires dépend, en dernière instance, du rapport de forces. Certes, le taux de chômage, la présence et l’ampleur d’une «armée de réserve industrielle», etc. jouent un rôle, mais c’est la capacité d’auto-organisation et de mobilisation collective des salarié·es qui est déterminante. Or, en la matière, entre les deux pays, il n’y a pas photo. En clair: en Suisse, nous payons le prix de «la tradition du partenariat social consensuel» (NZZ am Sonntag, 11 août 2024) de décennies de paix du travail.

La baisse des salaires réels est le résultat de la volonté patronale d’accaparer une part croissante de la richesse produite par les travailleur·euses. Ce qu’illustre le versement de dividendes (la part des bénéfices des entreprises redistribuée aux actionnaires) record: en 2024, 64 milliards de francs pour les entreprises cotées au Swiss Performance Index (SPI), qui comprend la quasi-totalité des entreprises cotées en Suisse, soit une hausse de 2,2% par rapport à l’année dernière, ce qui fait suite à une augmentation de 6,3% entre 2022 et 2023 (NZZ, 19 avril 2024).

Bref, nous assistons à une redistribution sociale à l’envers, des salarié·es aux détenteurs de capitaux, qui ont également bénéficié ces dernières années d’un cadeau fiscal après l’autre: défiscalisation des dividendes, introduction de «boucliers fiscaux» de toutes sortes, diminution de l’impôt sur les bénéfices, etc.

Il est donc urgent de changer de cap, il est vraiment temps d’augmenter les salaires, tant dans le secteur privé que dans la fonction publique et le parapublic!

Agostino Soldini est secrétaire central auprès du Syndicat des services publics (SSP).

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