Feuille de route néolibérale
«Nous devons faire des économies», assène Christoph Mäder.1>NZZ, 6 septembre 2024.L’ex-dirigeant de la multinationale Syngenta, aujourd’hui président d’economiesuisse, la principale association patronale du pays, n’entend pas tailler dans les rémunérations colossales des CEO helvétiques. Mais dans les finances de la Confédération.
La syntonie est parfaite avec Serge Gaillard: «Il suffit d’économiser», affirme le président du «groupe d’experts» chargé par le Conseil fédéral de proposer des coupes dans les dépenses.2>NZZ am Sonntag, 8 septembre 2024.Présentées le 4 septembre, ses conclusions sont discutées cette semaine avec les Cantons, les partis et les «partenaires sociaux».
Cela fait des mois que la conseillère libérale-radicale Karin Keller-Sutter (KKS) réclame un nouveau round d’austérité. Le rapport concocté sous la houlette de Serge Gaillard – ancien premier secrétaire de l’Union syndicale suisse devenu ensuite bras droit du ministre UDC Ueli Maurer – répond à ses vœux.
Pour économiser 4 à 5 milliards par an dès 2027, les «expert·es» ont retenu une piste principale: élaguer les tâches publiques – sauf celles de l’armée, dont le budget devrait prendre l’ascenseur.
Parmi les soixante mesures proposées, on citera entre autres: des coupes dans les subventions destinées à la transition climatique; une baisse de la participation financière de la Confédération à l’AVS; la suppression de la subvention fédérale aux crèches et la disparition de la rente-pont destinée aux chômeurs âgés; le doublement des taxes d’études dans les hautes écoles; un frein aux contributions versées aux cantons pour la réduction des primes d’assurance maladie. Sans oublier des coups de canif dans la coopération internationale, la culture, la formation professionnelle, l’intégration des jeunes réfugié·es et les transports publics.
La voie proposée interpelle. D’abord, parce que la situation des finances publiques reste très favorable: depuis 2006, Confédération et Cantons ont accumulé des excédents se chiffrant en dizaines de milliards de francs. Ensuite, parce que la couche la plus fortunée de la population ne cesse de s’enrichir. Entre 2014 et 2024, les actionnaires helvétiques ont ainsi empoché 444 milliards sous forme de dividendes.3>Services Publics, 8 septembre 2024.
Plutôt que demander une légère contribution à ces privilégié·es, le rapport Gaillard opte pour des mesures qui pèseront sur les bas revenus, les retraité·es et les populations vulnérables. Et dont l’application, même partielle, aggraverait les inégalités sociales – tout en enterrant la possibilité de répondre au défi climatique.
Un parti pris qui éclaire la nature ultralibérale et réactionnaire de cette feuille de route, que le Conseil fédéral et les milieux patronaux feront tout pour imposer au cours des prochaines années.
Notes