France: l’extrême droite en arbitre
Le plus vieux premier ministre qu’aura connu la Ve République succède au plus jeune. Jeudi, Emmanuel Macron a chargé Michel Barnier de former le prochain gouvernement de la France. La nomination de ce membre du parti de droite Les Républicains (LR) met fin à sept semaines d’incertitude, certes, mais ouvre aussi la porte à une inquiétante recomposition politique.
Emmanuel Macron a en effet choisi de confier les clefs de Matignon à un membre d’un parti pourtant durement sanctionné lors des dernières élections. Les LR sont sortis en quatrième position, avec seulement 5,4% des voix. Il a choisi un représentant du camp bourgeois, alors que la gauche du Nouveau front populaire est sortie en tête. Une manière d’ignorer le verdict des urnes qui constitue un déni démocratique et montre une nouvelle fois le dogmatisme politique du président français. Ce dernier refuse de stopper le processus de démantèlement social qu’il poursuit depuis sept ans, parfois de manière violente – pour ne parler que de la répression des gilets jaunes à coups de flash-balls.
Stratégiquement, la manœuvre est risquée. Elle place le Rassemblement national dans une position d’arbitre. S’il veut gouverner, Michel Barnier devra donner des gages à l’extrême droite. Sans elle, pas de majorité possible. Même si une fraction du Parti socialiste pourrait être chancelante, un arrangement centriste la couperait par trop de sa base électorale. Manifestement, des assurances ont été données au parti de Marine Le Pen.
L’histoire est-elle en train de bégayer? La bourgeoisie est prête à tout pour protéger ses privilèges. On a vu dans le passé que cela pouvait mal se terminer. De fait, la portée du passage à Bruxelles du nouveau premier ministre, présentée comme un gage d’europhilie le distinguant du nationalisme d’extrême droite, doit être relativisée. Michel Barnier y a déployé sur l’immigration des positions pas très éloignées de celles du premier ministre hongrois ultraconservateur Viktor Orbán1>«Barnier à Matignon: la gauche écœurée, les macronistes perplexes, le RN savoure», Médiapart, le 5 septembre.
Tout cela n’augure rien de bon. La crise politique française va se poursuivre. Les institutions de la Ve République, ce régime hyperprésidentiel, sont à bout. Si la manœuvre d’Emmanuel Macron traduit sans doute une bonne maîtrise des combines politiciennes, elle n’offre guère de perspectives aux problèmes des Français.
Notes