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«Arrêtez d’armer Israël»

Lettre de Mark Perlmutter, lue lors de la conférence de presse des médecins et chirurgiens américains revenus de Gaza, organisée par les délégués Uncommitted à la convention du Parti démocrate à Chicago, le 20 août 2024.
Gaza

Malheureusement, des obligations professionnelles m’ont empêché d’être avec vous tous aujourd’hui. Je voudrais néanmoins compléter ce que mes collègues vous ont sans doute dit sur ce qu’ils ont vu à Gaza.

Du 25 mars au 8 avril, j’ai été volontaire à l’hôpital européen de Khan Younis. Ce que j’y ai vu est vraiment choquant. La cruauté dont sont victimes les habitants de Gaza, et en particulier les enfants, reste incompréhensible pour moi. Jamais auparavant je n’avais vu un petit enfant recevoir une balle dans la poitrine puis dans la tête, et je n’aurais jamais pu imaginer que je verrais deux cas de ce genre en moins de deux semaines. Jamais auparavant je n’avais vu une douzaine de petits enfants hurlant de douleur et de terreur entassés dans une salle de traumatologie plus petite que mon salon, leur chair brûlante remplissant l’espace de manière si agressive que mes yeux commençaient à brûler. Je n’aurais jamais pu imaginer à quoi ressemble un hôpital lorsqu’il devient un camp de personnes déplacées. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment les médecins et les infirmières palestiniens, pourchassés par l’armée israélienne sans autre raison que leur incroyable altruisme et leur constance, continuent à travailler jour après jour dans ces conditions apocalyptiques.

Et le pire, c’est que je n’aurais jamais pu imaginer que mon gouvernement fournirait les armes et les fonds qui permettent à cet horrible massacre de se poursuivre, non pas pendant une semaine, non pas pendant un mois, mais pendant près d’une année entière maintenant.
Aujourd’hui encore, je porte la mezuzah de mon défunt père autour du cou. Depuis mon retour de Gaza, j’ai également drapé un keffieh sur mes épaules. Il n’y a pas de contradiction. La culture et les valeurs que mon père m’a transmises exigent que j’aide ceux qui sont piétinés par une superpuissance militaire cruelle et sadique. Ces mêmes valeurs m’obligent, sans la moindre hésitation, à exiger de mon gouvernement qu’il cesse d’aider et d’encourager cette violence génocidaire.

Israël utilise mon héritage culturel pour justifier l’injustifiable, pour excuser l’inexcusable. Malheureusement, mon propre gouvernement participe à cette mascarade. Pendant ce temps, les enfants de Gaza paient le prix du sang versé et de l’innocence perdue. Leurs mères et leurs pères me fixent dans mes cauchemars, me demandant silencieusement pourquoi je n’ai pas sauvé leurs enfants d’un Etat qui les agresse en mon nom, en utilisant des armes que mon propre gouvernement fournit volontairement.

J’espère qu’un jour prochain, je retournerai à Gaza et commencerai à réanimer des membres comme je l’ai fait dans tant d’autres régions du monde pendant des décennies. Mais une once de prévention vaut une livre de guérison. Pour le bien des Palestiniens, pour le bien des Etats-Unis, pour le bien d’Israël, pour le bien du judaïsme, pour le bien du droit international et pour le bien de l’humanité tout entière: arrêtez d’armer Israël.

* Mark Perlmutter est chirurgien orthopédique. Il exerce à Rocky Mount, en Caroline du Nord.

Publié par Informations Ouvrières infos-ouvrieres.fr

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