Édito

Eradiquer la faim exige une rupture

Eradiquer la faim exige une rupture
Des manifestant-es étalent des assiettes vides pour protester contre la faim auprès des dirigeants du G20 attendus à Rio de Janeiro, ce jeudui 25 juillet. KEYSTONE
Développement

Une personne meurt de faim toutes les quatre secondes. Le rapport, publié par les agences onusiennes mercredi, est accablant. La sous-nutrition dans le monde n’a pas reculé en 2023. Elle touche 730 millions de personnes, soit plus de 9% de la population mondiale. Une amélioration se fait attendre depuis des lustres: «Si des progrès importants ont été accomplis en ce qui concerne l’augmentation de la production agricole au cours des cinquante dernières années, cela n’a guère réduit le nombre de personnes qui souffrent de la faim, et la situation nutritionnelle reste médiocre», constatait déjà en 2014 Olivier De Schutter, alors rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation. Dix ans après, l’objectif fixé par les Nations Unies – un monde libéré de ce fléau en 2030 – semble s’être encore éloigné.

Les Etats prendront-ils enfin la mesure de leur échec en adoptant des politiques de rupture pour en finir avec l’insécurité alimentaire et la malnutrition? A la tête des pays du G20 cette année, le président brésilien Lula annonce le lancement d’une «Alliance globale contre la faim et la pauvreté», alors que la réunion de leurs ministres des Finances débute à Rio de Janeiro. A première vue, son initiative est crédible et porteuse d’espoir. Grâce à son action entre 2003 et 2011 et celle de sa successeure Dilma Roussef, le Brésil a été retiré de la «carte de la faim» de l’ONU en 2014.

L’idée portée aujourd’hui par le Brésil d’une taxation internationale sur les plus gros capitaux afin de financer des programmes dédiés a également du sens. Elle serait d’ailleurs indolore pour les nantis tant ils se sont gavés ces dernières années. Les 1% des personnes les plus riches ont accumulé en dix ans plus de 40 000 milliards de dollars de nouveaux capitaux1>La Fao avait estimé en 2015 à 267 milliards de dollars par an pendant quinze ans l’investissement nécessaire à l’éradication de la faim sur la planète., a informé l’ONG Oxfam jeudi. Mais l’espoir d’un G20 s’accordant sur une telle mesure est mince, voire inexistant, les Etats-Unis la refusant et l’Allemagne freinant des deux pieds.

Et si l’argent peut être le nerf de la guerre, faut-il encore diriger cette manne judicieusement. On ne coupera pas à une refondation de nos systèmes alimentaires. A commencer par le soutien massif, avec des méthodes agro-écologiques, aux petits paysans des pays du Sud – à la fois les premiers à souffrir de la faim et paradoxalement «nourrisseurs» de l’humanité. Il convient parallèlement de rompre avec le subventionnement massif d’une agro-industrie toxique tournée vers l’exportation. Celle-ci contribue non seulement très fortement au changement climatique, mais concentre les terres, les capitaux et les profits en peu de mains. Mais ni le Brésil, ni les autres pays du G20, ne prennent le chemin de cette révolution.

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