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Un défi de plus pour les autorités cubaines

À votre santé!

L’OMS a déclaré la décennie en cours celle du «vieillissement en bonne santé». Et Cuba, qui continue à défendre l’accès à la santé pour tous cherche des pistes pour assurer aux aînés, qui sont de plus ceux qui ont «fait la révolution» et géré le développement spectaculaire de l’île les trente premières années, une dernière étape de la vie «dans la dignité». Il faut dire que, grâce à son système de santé, basé essentiellement sur la promotion et la prévention, avec un «consulturio médico» à tous les coins de rue et dans tous les petits villages – un médecin pour 250 habitant·es, et une infirmière pour 160 habitant·es –, le suivi des grossesses, de la croissance et du développement des enfants, mais aussi des personnes atteintes de maladies chronique est assuré. Et donc les Cubains vivent longtemps! La consultation des statistiques  montre un exemple unique au regard de son processus de vieillissement démographique depuis six décennies. C’est le pays d’Amérique Latine et des Caraïbes dont la population a commencé à vieillir le plus tôt et dont le vieillissement est le plus avancé, et tout le monde s’accorde que c’est, au moins pour bonne part, grâce aux politiques mises en place par la révolution depuis 1959. Ainsi, l’indice de vieillissement, qui mesure le rapport entre la population de plus de 60 ans et celle de 0-14 ans était déjà en 2015 de 125 à Cuba contre 44 pour l’ensemble de la région. Dit d’une autre manière, et aussi liée à un taux de natalité qui est plus bas que celui de la Suisse, la courbe démographique de Cuba en 2024 est très proche de celle de l’Europe. Mais, de l’aveu même d’un médecin cubain spécialiste en gériatrie et qui coordonne un projet soutenu par MediCuba-Suisse il manque encore cruellement de formation et de semsibilisation aux pathologies de l’adulte âgé, et à leur prévention, dans la société en générale, mais aussi des professionnels de la santé. Il existe bien un plan national de la prise en charge des personnes âges, mais celui-ci peine à se développer sur toute l’île. Ce n’est pas étonnant, quand on voit les difficultés que l’on rencontre en Suisse pour financer des soins et un environnement de qualité pour cette tranche de la population, où à tout moment notre droite, et même centre-droite, cherche à raboter des acquis sociaux obtenus de hautes luttes – rentes AVS et du 2ème pilier, cette année, augmentation de l’âge de la retraite…et j’en passe – au risque de fragiliser les retraités.

Or, Cuba vit une crise économique grave. Le blocus imposé par les Américains n’a jamais été si dur que depuis 2017. C’est dire que tout est plus difficile à importer et donc plus cher. Les accords commerciaux spéciaux et favorables avec le Venezuela n’ont plus la même intensité, puisque ce dernier pays,vit également un blocus économique! La pandémie du Covid-19 a paralysé le pays pendant de nombreux mois, avec un arrêt net du tourisme, source importante de devises, et ce n’est que depuis une année qu’il reprend peu à peu. Il y a une crise énergétique importante avec un manque de combustible pour le transport. Il y a des coupures d’électricité de plusieurs heures par jour, compliquant le travail y compris dans les structures sanitaires. De plus, le système monétaire s’est modifié entraînant une inflation importante et hélas une perte de pouvoir d’achat massive,  surtout pour les salariés, qui restent majoritaires.

Alors comment mettre en place une politique d’accompagnement des aînés dans ce contexte? Le gériatre cubain rencontré a misé sur la formation des étudiants en médecine en intégrant un cours bloc sur sa spécialisation dans sa province, en proposant des rotations de médecins assistants dans la «casa de abuelos», l’équivalent de Centre thérapeutique de jour – où en plus de deux repas équilibrés proposés et en partie préparés par des aînés volontaires – différentes activités sont possibles; couture, tissage, que les personnes peuvent ensuite vendre et améliorer leur retraite, très minime, mais aussi théâtre, arts martiaux ou même défilés de mode, pour «l’auto-estime». Mais aussi développement de ce genre de lieu dans l’ensemble du «Municipio». Sans oublier le  développement d’une formation certifiante pour des «cuidadores·as», sorte d’aides-soignant·es, qui peut être acquise en présentiel mais aussi à distance, ce qui résout les problèmes logistiques – pour autant que les coupures de courant ne soient pas trop fréquentes – et qui permet éventuellement aux familles de partir travailler en confiant leur parents à une personne formée dans les soins et l’accompagnement. Ce médecin a aussi développé, grâce à de jeunes informaticiens volontaires, une application simple, pour évaluer le risque de chute et les troubles de la mémoire chez les personnes âgées et donc de pouvoir faire de la prévention primaire ou secondaire. Elles peuvent d’ailleurs s’auto-évaluer puisque des cours sont donnés sur l’usage des smartphones!

Ce projet a été reconnu comme exemplaire et le défit maintenant est de le développer sur l’ensemble des 13 municipalités que comprend la province de Matanza où réside ce gériatre.

Cuba c’est la crise, oui, mais c’est aussi «l’imagination au pouvoir», pour défendre une société inclusive.

*Pédiatre FMH de retour de Cuba

Opinions Chroniques Bernard Borel A votre santé!

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lundi 8 janvier 2018

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