Édito

Macron en déni de démocratie

Macron en déni de démocratie
L'usage en cours depuis 1958 veut que le chef du gouvernement soit issu du premier parti ou coalition arrivée en tête des législatives. KEYSTONE
France

Gouverner sans la gauche après la victoire de la gauche. Voici le scénario délirant que dessine ces jours le président Emmanuel Macron, après avoir adressé mercredi sa lettre aux Français appelant à un «rassemblement». «Personne n’a gagné ces élections», a-t-il eu l’audace de déclarer après la déculottée que lui a infligé le Front populaire, arrivé en tête des législatives le 7 juillet avec quelque 190 député·es. Et si le parti du président arrive en seconde place (150 élu·es) devant le Rassemblement national (RN), et ne se retrouve pas atomisé, ce n’est que parce que cette coalition progressiste a appelé fermement à faire barrage à l’extrême droite après les résultats du premier tour.

Si le président persistait à refuser de nommer un premier ministre issu du Front populaire, il romprait avec l’usage en cours depuis 1958 qui veut que le chef du gouvernement soit issu du premier parti ou coalition arrivée en tête des législatives. Peut-il se permettre ce bras d’honneur antidémocratique au vu des forces en présence?

Le pari est risqué, d’autant que l’unité de la gauche semble bien résister à cette tentative de division, et que le parti présidentiel, le centre et la droite traditionnelle se trouvent en ordre dispersé et sans majorité absolue en cas de coalition. Plusieurs élu·es de cette partie de l’hémicycle ont déjà dit qu’ils et elles ne se prêteraient pas à la combine. Une partie de la gauche, elle, perdrait son âme si elle décidait d’accepter l’offre du président en créant un vaste ventre mou centriste. Un «rassemblement» qui a priori ne ferait que reconduire les politiques macronistes qui ont jusqu’ici échoué et fait exploser le vote RN, ou alors qui se contenterait de ne gérer que les affaires courantes, en n’espérant que quelques miettes en matière de réformes sociales. Cela reviendrait non seulement à un suicide politique en vue des prochaines élections, mais ouvrirait cette fois un boulevard royal à l’extrême droite et à Marine Le Pen pour 2027.

Pour que le Front populaire puisse former un gouvernement solide, appliquer une bonne partie de son programme et que ce nouvel exécutif ne soit pas rapidement renversé par une motion de censure votée au parlement avec l’extrême droite, la société civile devra se mobiliser. La droite et le patronat ne lâcheront pas, surtout sur la hausse des salaires et un début de justice fiscale, à moins d’y être contraints. En 1936, ce sont les grèves massives et les occupations d’usines qui ont permis que le gouvernement de gauche de Léon Blum adopte les avancées sociales que l’on connaît, comme les premiers congés payés et la semaine de quarante heures, jugés alors irréalistes.

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