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Une neutralité mise à mal

Madeleine Gahigiri s’inquiète de l’éventuelle influence de l’Association Suisse-Israël (ASI) et du groupe d’amitié interparlementaire Suisse-Israël sur notre neutralité et nos positions face à la Palestine.
Conflit

Il faut que nous, électeur·trices suisses, nous nous rendions compte à quel point notre politique helvétique concernant la situation dramatique en Israël-Palestine est sous l’influence d’un lobby: l’Association Suisse-Israël (ASI). Trente-huit de nos parlementaires dans les deux Conseils font partie d’un groupe d’amitié Suisse-Israël, lié à l’ASI. Le conseiller fédéral Ignazio Cassis était vice-président de ce groupe d’amitié avant son élection au gouvernement (de 2011 à 2017).

Selon la propre déclaration du groupe d’amitié, les objectifs de Suisse-Israël sont: «Représenter les positions israéliennes dans les domaines de la politique, de l’économie, de la société et de la culture. Leurs membres entretiennent des contacts avec la Knesset et avec l’ambassade israélienne.» Leurs activités déclarées sont des rencontres d’informations et d’échange et au moins un voyage du groupe en Israël par législature.

Le 1er mai, le secrétaire central de Suisse-Israël, Walter L. Blum, a lancé un appel à tous ses membres: «Nous avons besoin de votre aide. Il y a en Suisse bien plus d’organisations (et d’institutions) qui ont pour but la solidarité avec la ‘Palestine’ (sic) que ce qui était connu jusqu’à maintenant.» Pour pallier cette situation, le président fait appel à «des activistes prêts à observer systématiquement le camp adverse». Ces activistes devront maîtriser entre autres tous les réseaux sociaux et ils seront rémunérés, précise-t-il. Suit une liste provisoire d’organisations nationales et internationales à surveiller de près, telles que le CICR et les organisations de l’ONU: UNICEF, OMS, UNHCR, UNRWA, tout comme Médecins du monde, Terre des hommes, Caritas, le Département de l’architecture de l’EPFZ, les organisations suisses de la culture, du théâtre, du film, des Eglises et les Journées mondiales de la prière, mais il faut aussi «observer systématiquement» des parties de l’administration fédérale suisse, DFAE, DFI, (Affaires étrangères et de l’intérieur).

Cette «surveillance systématique» a pour but d’influencer encore mieux les décisions de nos institutions; le vote du Conseil des Etats du 4 juin, du Conseil national du 13 juin et la déclaration du DFAE vont déjà dans le sens voulu par ce lobby.

En effet, des experts de l’ONU appelaient lundi 3 juin 2024 à reconnaître l’Etat de Palestine, ce qui représenterait «une reconnaissance importante des droits du peuple palestinien et une condition préalable à une paix durable en Palestine et dans l’ensemble du Moyen- Orient».

Au lieu de cela, le Conseil fédéral «est de l’avis qu’une reconnaissance dans le contexte actuel n’est pas opportune si elle ne se situe pas à l’intérieur d’un plan de paix durable au Proche-Orient». (Mais Israël qui occupe illégalement la Cisjordanie, protège ses colons ultraviolents et massacre la population civile à Gaza serait un Etat pacifique?). Rappelons que l’ONU n’a jamais parlé de telles conditions, mais a voté pour la reconnaissance de deux Etats.

Madeleine Gahigiri,
Genève

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