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En coulisse

1935: le bourgeois français François Mitterrand manifeste dans les rues de Paris contre «l’invasion métèque» aux côtés de l’organisation d’extrême-droite Action française. Quelques années plus tard, le même Mitterrand travaille pour le régime de Vichy et est décoré par Pétain. (Il aura fin nez et passera ensuite du côté de la Résistance.) Dès l’après-guerre, Mitterrand est un des artisans de la perduration du colonialisme blanc en Afrique, cause pour laquelle il œuvrera sans discontinuer. En 1954, il est ministre de l’Intérieur quand démarre l’insurrection algérienne, puis en 1956, ministre de la Justice. Là encore, il se distingue par son tropisme colonial et ethnocentré, intensifiant la répression et multipliant les condamnations à mort des militants indépendantistes. Dans les années 70, il devient champion des socialistes français, surfant, tel un magicien, sur l’amnésie du camp progressiste. Devenu président en 1981, il continue à œuvrer pour la pérennité du colonialisme en Afrique de l’Ouest (sous une autre forme), empêchant de fait l’émancipation économique et politique de millions de citoyen·nes africain·es. Sur le plan intérieur, il met tout en œuvre pour faire monter l’alors groupuscule du Front National, à des fins tactiques (dit-on). Il aura aussi réussi, au cours de ses mandats successifs, à vider le mot «socialisme» de sa substance et pavé la voie à une alternance molle entre néo-libéraux de droite et de «gauche». Un de ses héritiers, un autre François, Hollande, enfoncera le clou, entre promulgation de lois liberticides et continuité néo-libérale sur fond de repli identitaire. Il propulsera sur le devant de la scène, entre autres supplétifs, le sinistre Manuel Valls, islamophobe notoire ainsi qu’un banquier passe-partout, Emmanuel Macron. Ce dernier effectuera avec zèle le travail attendu par le patronat et le monde de la finance, se cachant parfois derrière une ministre au patronyme arabe pour avancer ses pions (la fameuse loi «El Khomri» dont il fut l’artisan). Depuis dix ans, Macron président a continué l’œuvre de ses prédécesseurs de «gauche» comme de droite, stigmatisant les minorités, intensifiant la répression et dérégulant à tout va. Résultat attendu: la crise est immense, la cohésion sociale en lambeaux et le Rassemblement national aux portes du pouvoir en France.

Se gardant bien d’interroger les causes profondes des migrations des peuples du Sud, ou d’établir un bilan critique de l’héritage colonial, les différents partis qui se sont succédés au pouvoir, ont sans cesse instillé dans la tête de leurs co-citoyen·nes une petite musique raciste, islamophobe et ethnocentrée. A force de stigmatiser les mouvement décoloniaux, en particulier ceux qui militent pour la Palestine en les traitant d’antisémites, à force de démoniser les revendications d’équité et de respect de groupes minorisés réduites à la vaine appellation-épouvantail de «wokisme », ces partis gouvernementaux ont pavé la voie au RN, qui ne dit pas autre chose qu’eux, mais sans les contorsions d’usage.

Bolloré, qui fut l’allié de tous ces partis, est, aujourd’hui, à travers son empire médiatique entièrement dévolu aux idées d’extrême-droite, l’artisan majeur la lobotomisation de millions de citoyen·nes déboussolé·es. Sur ses chaînes, les migrant·es, sujets mono-obsessionnels de ses invité·es comme des animateurs, sont parfois comparés à des poux. L’homme a fait fortune en Afrique, en exploitant les ressources locales avec le soutien des différents gouvernements français. La boucle est bouclée!

Dans ce contexte, la création du Nouveau Front populaire constitue une divine surprise; il faut rendre grâce aux militant·es de la vraie gauche d’avoir passé outre la répugnance à s’allier avec des caciques «socialistes», coresponsables du marasme actuel. On ne peut que désirer la victoire de ce Front-là. Mais, si, comme on le souhaite, il parvient au pouvoir, il devra une bonne fois entamer un travail de fond, un travail analytique, cathartique, des rapports entre l’Hexagone et les territoires de l’ex-Empire français, afin de rendre justice à toutes les victimes des turpitudes impérialistes françaises et couper une bonne fois l’herbe sous les pieds aux propagateurs de haine. C’est à cette condition que pourra s’opérer enfin la fusion apaisée de toutes les composantes de la société et qu’un projet progressiste imparable pourra se concrétiser. Concluons avec ces deux phrases entre lesquelles il est impossible de choisir: «L’espoir est le pilier du monde» (proverbe africain) «Même sans espoir, la lutte est encore un espoir!» (Romain Rolland)

Dominique Ziegler est auteur, metteur en scène, www.dominiqueziegler.com
Prochain spectacle: Morrison’s blues 21-26 juin. Les Amis musiquethéâtre, Carouge | lesamismusiquetheatre.ch/morrisons

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lundi 8 janvier 2018

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