Irrespect du bon sens
N’en jetez plus, la coupe est pleine. La commission de contrôle de gestion du Grand Conseil genevois a présenté mardi son rapport sur l’affaire dite Fischer, du nom de la conseillère d’Etat verte qui avait été battue lors des élections cantonales de 2023. En cause, des pratiques de népotisme – des engagements se sont faits en violation des procédures de recrutement – et une instrumentalisation du char de l’Etat à des fins personnelles. Soit pour participer à la campagne de l’intéressée, soit pour garantir des mandats à des associations amies, dont une, excusez du peu, fondée par le compagnon de la magistrate.
Cela fait beaucoup. On arguera que l’affaire est soldée, Mme Fischer n’ayant pas été réélue. Peut-être. Mais c’est aussi oublier les dégâts collatéraux. On passera sur le fil à la patte mis aux Vert·es en cette période électorale municipale, en relevant que, plus grave, l’image de l’Etat a été une nouvelle fois endommagée par des pratiques qui étaient d’évidence contraires aux règles que se donne l’Etat.
L’argument de l’amateurisme de la débutante a été invoqué. Mais on note dans le rapport que les mécanismes de contrôle internes ont fonctionné. Plusieurs voyants étaient au rouge, des avertissements que l’on était hors des clous ont été lancés. La magistrate est passée outre.
Et le rapport tord aussi le cou à un argument, à savoir que Mme Fischer aurait eu le tort de faire de la politique, à savoir défendre les valeurs portées par son programme et son parti. Ce qui est vrai sur les associations servies. Mais cela ne dispense pas de respecter les règles que l’Etat se donne. Ou alors, on ouvre la porte à l’arbitraire et au clientélisme. A fortiori lorsqu’on a été élue à la suite de l’affaire Maudet, et qu’on se présente comme la Madame Propre.
En cela, les bâtons que l’intéressée a mis dans le travail de la commission d’enquête, en s’introduisant dans son ancienne boîte de courriel pour supprimer des messages gênants ou en refusant de répondre aux député·es, sont un peu la cerise sur le gâteau. On soulignera que ses ex-collègues du gouvernement genevois ont eux aussi joué la montre, bloquant pendant six mois la possibilité pour les commissaires d’activer les experts informatiques de l’Etat pour récupérer certains courriels effacés! Y aurait-il quelque chose à cacher?
La commission de contrôle de gestion propose une série de recommandations pour améliorer la transparence et le fonctionnement de l’Etat. C’est sans doute utile au vu des manquements relevés; mais on peut aussi se poser la question de leur pertinence. Les règles existantes n’ont pas été respectées et les alertes ignorées. A rebours du bon sens et de la morale élémentaire qui devraient guider l’action politique. Peut-être faudrait-il commencer par là.