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Vers un État-providence méxicain?

Vers un Etat-providence mexicain?
Claudia Sheinbaum salue ses supporters ce lundi 3 juin 2024 à Mexico City. KEYSTONE
Mexique

L’élection d’une femme progressiste à la tête du Mexique, ce géant d’Amérique latine, est assurément une bonne nouvelle, alors que d’autres pays de la région ont basculé vers des régimes d’extrême droite. Claudia Sheinbaum, ex-maire de la capitale et docteure en ingénierie énergétique, a repris le slogan «les pauvres d’abord» du président, Andrés Manuel López Obrador, dont elle prend la succession pour le même parti. «Nous allons continuer à construire un véritable Etat-providence», a-t-elle déclaré. Que peut-on attendre de cette ancienne militante, au profil environnemental marqué, alors que le bilan de son mentor est très contrasté?

Les avancées sociales réalisées depuis 2018 sont bien en deçà des promesses de la «quatrième transformation» du Mexique que M. Obrador avait promise, même si le Covid-19, la crise économique et le poids du voisin étasunien lui donnent des circonstances atténuantes. Fort de majorités confortables au parlement, son gouvernement a tout de même réussi à presque tripler le salaire minimum, à s’assurer d’une augmentation générale des rémunérations, à donner un statut légal aux employé·es domestiques et à multiplier les congés payés. La semaine de quarante heures est en vue également.

Mais la pauvreté, qui a diminué de 7%, continue à affecter près de la moitié de la population et les inégalités abyssales perdurent. A gauche du parti d’Obrador, on a raison de critiquer la faiblesse des réformes entreprises, d’autant que l’insécurité due au narco-trafic n’a pas diminué et que le nombre d’assassinats et de féminicides a atteint des sommets.

Au-delà, les peuples premiers et nombre de mouvement sociaux dénoncent la politique extractiviste et sécuritaire du gouvernement qui conduirait à une «guerre contre les autochtones». Des centaines de mégaprojets – hydrocarbures, mines, gazoducs, routes et voies ferrées – envahissent les terres dans tout le pays, spoliant les populations et détruisant la nature, conduisant à des tueries et à des violations des droits humains. «Ce que la droite n’avait pas réussi à faire au nom du capital, le président le fait au nom du peuple», résumait dernièrement un activiste mexicain dans notre journal.

Sous cet éclairage, la gauche mexicaine au pouvoir pâlit et se révèle sous des atours peu flatteurs: un instrument de l’expansion capitaliste teinté d’une dimension sociale et environnementale. Devant l’avancée des hydrocarbures mexicains, l’image verte de Claudia Sheinbaum se décolorera-t-elle aussi ou la présidente pourra-t-elle s’émanciper quelque peu de son parti?

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