Une vaste fumisterie
Evénement écran de fumée qui attire l’attention et cache l’essentiel: voici un nouveau grand projet de notre Département des affaires étrangères qui est passé maître en la matière. Entonner, la voix vibrante et la main sur le cœur les grands mots paix, neutralité, solidarité et préparer, encourager, prolonger la guerre par une realpolitik opaque, alambiquée et mouvante, voilà la nouvelle politique d’enfumage dans laquelle s’enfonce notre gouvernement.
Après le sabotage de l’UNRWA, la non-dénonciation du carnage en Palestine tout en proclamant haut et fort le respect du droit humanitaire engrammé dans notre génétique nationale, voilà que nos autorités convoquent le monde en haut lieu patriotique pour prévoir la paix en Ukraine… Le monde sauf la Russie!
Parler de paix en excluant d’emblée l’une des parties? Une paix selon les critères et exigences d’une seule des parties en conflit?
Ah oui! L’autre est dans l’agression et le désir de conquête…
Donc il n’est pas question de négociations mais d’un diktat. Il serait alors plus courageux de combattre ce méchant jusqu’à son anéantissement. Continuons donc à unir nos voix offusquées et peut être aussi nos forces armées aux nations qui s’apprêtent à mener le juste combat!
Mais quand même, la paix ce serait mieux…
Alors que veut la Suisse? Se glorifier d’une paix imposée à la Zelenski qui ordonne restitutions, humiliations, contributions financières illimitées et profil bas? Irréaliste! Outre la position de force actuelle de Poutine, cette paix-là serait inique et lourde de conséquences désastreuses.
La seule chance de paix, c’est convoquer et écouter les deux parties et reprendre l’histoire depuis le début, depuis le changement de régime et le conflit civil entre ukrainiens pro-russes et pro-occidentaux. Se souvenir des accords de Minsk et les réactualiser. Se rappeler que les territoires sont (étaient?) habités par une population à la sensibilité diverse. Concevoir la complexité historique et socio-historique de l’Ukraine tiraillée entre deux cultures, recentrer le conflit sur ce pays en tentant de mettre à distance les pressions, attentes, craintes et projections en provenance d’ailleurs.
Dans cette optique, la Suisse aurait un rôle crucial à jouer: être médiatrice, point neutre, mise à terre, pour écouter au centre, reformuler, préciser, approfondir les craintes et les désirs, réaffirmer l’objectif commun d’apaisement. Et trouver impérativement et au plus vite un accord digne pour tous afin de mettre fin aux tragédies des familles russes et ukrainiennes à qui l’on remet, jour après jour, les corps de leurs
enfants.
Fabienne Cellérier Probst,
Aire-la-Ville (GE)