Genève

Claude Torracinta, décès d’un inventeur de la TV moderne

Il a marqué la télévision en Suisse romande. Claude Torracinta, ancien producteur de Temps présent et directeur de l’information à la RTS, s’en est allé à l’âge de 89 ans. Hommage.
Claude Torracinta, décès d’un inventeur de la TV moderne
Genève, le 30.01.2009, Claude Torracinta, l'un des fondateurs de l'émission Temps Présent. J.-P. DI SILVESTRO.
Carnet noir

Une page se tourne, et quelle page. La RTS a annoncé mercredi le décès de Claude Torracinta à l’âge de 89 ans. Journaliste dans l’âme, il fut un des créateurs de la télévision moderne. Auparavant, il débuta dans la profession à la Tribune de Genève, au début des années 1960, où il mit en place une rubrique économique, un domaine faisant auparavant figure d’angle mort. Son œuvre majeure reste Temps présent, dont il fut l’un des fondateurs en 1969 avec d’autres pionniers de la télévision romande, et qu’il présenta jusqu’en 1988. Une pépinière où s’illustrèrent la plupart des grands noms du reportage: André Gazut, Jean-Louis Roy, Pierre-Pascal Rossi, Simone Mohr, Renato Burgy, Valérie Bierens de Haan, Anne-Frédérique Widmann… la liste est longue. Des cinéastes tels Claude Goretta, Alain Tanner ou Michel Soutter apparurent aussi au générique. Claude Torracinta fut par ailleurs une des figures de l’émission de débat Table ouverte.

Signalons aussi son goût pour l’histoire. D’abord dans une série d’émissions consacrées à la Genève des années 1930, celle de la faillite de la Banque cantonale, de la fusillade du 9 novembre 1932, lorsque l’armée tira sur des militants antifascistes, tuant 13 personnes et en blessant 65, et du gouvernement de gauche de Léon Nicole. Un ouvrage publié par la Tribune en 1978, Le Temps des passions, en fut également issu. Une période sur laquelle Claude Torracinta revint au début des années 2000, dans la foulée de l’affaire des fonds en déshérence, avec un film, Mémoires de la frontière.

L’éthique et le social

En 2016, il publia encore Rosette, pour l’exemple, l’histoire tragique d’une jeune juive de 16 ans qui avait cherché asile en Suisse et fut refoulée vers la mort en décembre 1943, victime de la politique inhumaine des autorités suisses. L’ouvrage essayait de restituer ce que fut sa courte vie. Une plaque sur l’école des Cropettes, à Genève, rappelle cet épisode peu glorieux de notre pays.

Claude Torracinta a dirigé le département des magazines de la Télévision suisse romande dès 1972, puis celui de l’information entre 1989 et 1993. Date à laquelle il retourne au travail de base du journalisme, tout en occupant plusieurs mandats. Le plus important de ceux-ci fut sa présidence de l’Hospice général genevois en charge de la politique sociale du canton, entre 1994 et 2006. Il œuvre aussi au sein de la Commission d’éthique du Syndicat lémanique du journalisme, une sorte d’ancêtre romand de l’actuel Conseil suisse de la presse. Une activité menée avec son habituelle énergie, où nous l’avons côtoyé pendant quelques années et beaucoup appris. Partageant volontiers ses connaissances, il avait aussi un côté ombrageux: qui se hasardait à le contredire devait solidement polir ses arguments…

Il était aussi le mari de l’ancienne députée Claire Torracinta-Pache qui siégea durant trois législatures au Grand Conseil, entre 1985 et 1997. Poids lourd du Parti socialiste genevois, elle était une «papable» pour le Conseil d’Etat, mais a renonça à candidater. Leur fille Anne Emery-Torracinta, en revanche, fut élue à deux reprises à ce poste entre 2013 et 2023.

Le décès de Claude Torracinta laisse un vide dans l’histoire de la télévision et, plus largement, dans celle du journalisme romand. Et même au-delà.

Régions Genève Philippe Bach Carnet noir

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