Édito

D’allié «démocratique» à Etat paria

D'allié démocratique à Etat paria
Le Procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a demandé lundi que des mandats d'arrêt soient émis contre les dirigeants israéliens et ceux du Hamas. KEYSTONE
Israël-Hamas

C’est un coup historique porté contre l’impunité dont jouissait jusqu’à présent Israël dans sa politique criminelle à l’égard des Palestinien·nes. En sollicitant des mandats d’arrêt non seulement contre trois cadres du Hamas, mais aussi contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a fait acte de courage. Pour la première fois, la CPI ne sera donc pas «l’arme des puissants» – ou de l’Occident, si l’on prend en compte l’inculpation du président russe, Vladimir Poutine, en mars 2023.

Cette fois, c’est l’allié et protégé de toujours des Etats-Unis, Israël, qui est dans le collimateur. Pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza, des accusations graves portées depuis plus de sept mois par les ONG et les centaines de milliers de manifestant·es qui défilent, week-end après week-end, dans les villes du monde entier. Ce que dit le procureur Karim Khan, c’est que personne n’est à l’abri de la justice. Principe dont on avait pu douter, à force de voir exercé un deux poids, deux mesures. Les officiels israéliens ne s’y sont pas trompés, déployant toute la rhétorique méprisante de rigueur.

Le fait que trois des principales figures du Hamas soient aussi visées par la justice atteste l’impartialité de la CPI. Si Ismaïl Haniyeh dirige le mouvement islamiste depuis le Qatar, Yahya Sinouar, leader du Hamas dans la bande de Gaza, et Mohammed Deif, son stratège militaire, sont les architectes du 7 octobre. Ils devront répondre de l’assassinat de civil·es, de diverses exactions et de la prise d’otages. Si les mandats devaient être émis – en principe d’ici quelques semaines –, la liberté de mouvement des dirigeants israéliens et d’Ismaïl Haniyeh s’en trouverait considérablement réduite. La France, de son côté, a d’ores et déjà apporté son soutien à la CPI.

Manifestement, on se trouve à un point de bascule. Il est trop tôt pour dire si la situation au Proche-Orient s’en trouvera changée à court terme, et si Israël se verra relégué au rang d’Etat paria. La conséquence, dans un premier temps, pourrait se limiter à l’arrêt de mort politique de Netanyahu – très contesté dans son pays –, au profit d’interlocuteurs plus conciliants avec les maigres concessions demandées par Washington. Mais le message est passé, et les étudiant·es qui ont réoccupé hier l’université de Genève l’ont reçu cinq sur cinq: face à la gravité des crimes commis par Israël à Gaza, il n’est plus possible de détourner les yeux ni de justifier l’injustifiable, encore moins de se compromettre dans quelque collaboration institutionnelle que ce soit.

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