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L’urgence de plafonner la charge des primes

Sur le constat que les ménages à bas revenus ne parviennent plus à payer leur assurance maladie et qu’il est urgent de les soulager de cette charge, Caritas se prononce en faveur de l’initiative pour l’allègement des primes, soumise aux urnes le 9 juin.
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Un thème revient sans cesse dans les consultations sociales et les conseils en matière d’endettement de Caritas: les coûts élevés de la santé et les impayés de primes d’assurance maladie. Nous rencontrons quotidiennement des personnes qui font face au dilemme: faut-il renoncer à une nourriture équilibrée pour pouvoir payer la facture de primes d’assurances?

Les ménages en situation de précarité choisissent des franchises élevées par mesure d’économie. Mais si survient une maladie grave qui nécessite un traitement médical, ils ne peuvent pas le payer sans s’endetter. Bien que conscients de cet impact, les ménages concernés cherchent désespérément des moyens d’alléger leur budget mensuel. Les personnes malades renoncent donc aux soins par peur des factures, mettant leur santé en danger. On ne parle pas seulement de cas bénins. Des opérations et des traitements sont repoussés parce que l’argent manque pour couvrir la franchise et la quote-part.

Les coûts de la santé représentent une charge énorme pour les personnes touchées ou menacées par la pauvreté. Soit, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), une personne sur six en 2022 (1,34 million de personnes, dont environ 270’000 enfants). On compte par ailleurs un grand nombre de ménages qui arrivent tout juste à joindre les deux bouts – c’est-à-dire se trouvant juste au-dessus du seuil de pauvreté. C’est ce que montre une étude de Caritas et de la Haute école spécialisée bernoise. Pour les familles en particulier, la hausse des coûts de ces dernières années – renchérissement, augmentation des loyers et des charges locatives, explosion des primes d’assurance maladie – représente un risque aigu de tomber dans la pauvreté.

Vivre dans la pauvreté a des conséquences désastreuses tant sur le plan sanitaire – les personnes pauvres souffrent davantage de maladies physiques ou de troubles psychiques – que sur le plan du développement des enfants. Ceux qui grandissent dans la pauvreté courent un risque bien supérieur à la moyenne d’être pauvres une fois adultes.

La réduction individuelle des primes est un instrument ciblé et efficace de prévention de la pauvreté. Ces dernières années, Caritas n’a cessé de rappeler l’importance de lutter contre la pauvreté, notamment via son «appel pour une Suisse sans pauvreté». Le problème est que de nombreuses familles au budget serré ne bénéficient pas complètement – voire parfois pas du tout – des réductions individuelles de primes. En effet, les cantons ont des pratiques très diverses en la matière. La charge restante des primes d’assurance maladie peut représenter plus de 20% du revenu disponible dans certains cantons, quand, dans d’autres, une famille dans la même situation économique y consacrera moins de 10%.

La dernière statistique sur la pauvreté de l’OFS montre qu’environ 20% des ménages suisses ne peuvent pas faire face à une dépense inattendue de 2500 francs. Ces personnes n’ont pas les réserves suffisantes pour supporter une augmentation des primes ou une dépense non prévue en traitements médicaux. Elles vivent au jour le jour, confrontées à des soucis d’argent. Si l’on n’agit pas maintenant, le groupe de personnes risquant de sombrer complètement dans la pauvreté ou voir sa santé de plus en plus menacée va continuer de croître. Tel que proposé, le plafonnement des primes à 10% du revenu disponible n’est pas «radical»: il est urgent. C’est pourquoi Caritas dit «oui» à l’initiative pour l’allègement des primes le 9 juin.

Conscients que cela ne permet pas de relever tous les défis du système de santé et de l’augmentation des coûts, nous appelons, en parallèle, tous les acteurs du système de santé à s’engager ensemble pour mettre en place des mesures efficaces de réduction des coûts. La question doit être mise sur la table, et traitée en faisant en sorte que de telles mesures ne conduisent pas à une médecine à deux vitesses, ni à une réduction unilatérale des prestations pour la population à bas revenus et celle touchée par la pauvreté ou menacée de l’être.

Peter Lack est directeur de Caritas Suisse.

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